C'est l'histoire d'un film titré "Troll", qui montre des traces de pas de troll après 5min, un troll sur une vidéo de portable après 10min, qui envoie son héroïne consulter un expert en troll (son papa) et l'engueule car "tu as dit Troll pendant la réunion !", qui voit tous ses héros échapper à un troll en hélico après 45 min et qui, pendant plus d'une une heure (!) cherche à garder le suspense sur l'identité de son monstre !
C'est l'histoire d'un film qui prouve à quel point Netflix c'est génial tant il nous permet de découvrir des films du monde entier. Par exemple Troll, c'est tout pareil qu'un blockbuster hollywoodien mais rien à voir car il est en Norvégien. Super, non ?
Cette critique contient des spoilers
L'histoire est sans surprise et déroulent des thèmes populaires contemporains : titiller le conspirationnisme, taper sur la religion chrétienne, valoriser les valeurs passées car c'était mieux avant, tout ça arrosé d'HF parce que les séries LOTR & GOT viennent de sortir. Le déroulé est convenu : suspense sur l'origine du monstre - constitution de l'équipe - confrontation - mise à l'écart de nos héros au 2/3 de l'histoire - Désobéissance aux ordres de ces derniers qui vont risquer leurs vies pour sauver le monde (en l'occurence Oslo) car surprise ! le méchant (vieux mâle blanc cisgenre) avait tort et la violence, c'est mal.
Les personnages sont archétypaux : le méchant stupide à un poste de décision donc, le sidekick comique ("egghead"), le BG viril (Kris) pas très futfut, vous savez le genre de mec à qui on demande si le piège est prêt, qui répond non, grimpe sur un char et interrompt ses équipes pour leur faire un discours de motivation : "Arrêtez tout et écoutez moi : nous sommes en retard !" et surtout, période post #metoo oblige : des femmes fortes pour leader tout ça : la geek, la première ministre et bien sûr notre Indiana Jønes nordique.
Le film associe les effets de modes actuels : des touches d'humour associées à des séquences spectaculaires, un rythme trépidant par peur que le spectateur zappe et des effets spéciaux convaincants.
On a aussi droit à l'indispensable rebondissement débile : la révélation du "palais des trolls" qui détruit tout ce qui restait de crédible dans l'histoire : pourquoi garder ces ossements secrets ? Surtout alors que le Troll vient de faire un massacre dans un parc d'attraction ? Pourquoi l'église, le palais, quelqu'un n'a pas prévenu la 1ère ministre ? Si un missile balistique 9K793 de 2tonnes ne sert à rien, comment des moines à sandales ont réussi à éradiquer des trolls titanesques il y a 1000 ans ? suffit-il d'aller taper gros pépère avec une épée et un crucifix ? Aussi la Norvège avait depuis toujours la preuve de l'existence de Dieu et de la vérité de la chrétienté mais n'a rien dit ?
Bref, tous ces ingrédients auraient dû conduire Troll à être un nouveau blockbuster aussi divertissant et stupide qu'inoffensif.
Sauf qu'à mon sens il est symbolique de la production cinématographique actuelle. Sur 3 niveaux :
1. La standardisation des productions et l'aplanissement des singularités cinématographiques régionales : ce film norvégien aurait pu être réalisé avec un Kaiju au Japon, un Djinn au moyen Orient ou un Yéti au Tibet sans rien modifier à tous les ingrédients précités.
2. Troll est une nouvelle illustration de l'épidémie de films passables qui sévit actuellement (cf. "The Epidemic of Passable Movies") de Nerdwriter1. Ce n'est pas nul, ça se regarde, mais sans réellement éprouver d'émotions car la recette est connue et appliquée jusqu'à la nausée.
3. Enfin avec Troll on franchit un cap dans l'efficacité que doit revêtir un divertissement dont le cahier des charges impose une intro, 2, 3 scènes d'action intermédiaires et un final spectaculaire. Tout parait surcalibré, aucune scène ne s'étend, sur un paysage ou sur un moment. Tout va à 2000 à l'heure et tout ce qui est exposé doit contribuer à l'avancement de l'histoire. On est dans la dictature du scenario et d'ailleurs, l'histoire n'avance plus dans l'épilogue donc entre la fin du Troll et celle du film on a 2'30sec chrono, sans compter la scène (presque) post générique aussi inévitable que convenue : faudrait pas manquer l'occasion d'annoncer une suite.