Regarder La Fracture de Catherine Corsini, c’est comme plonger la tête dans de l’eau glacée. La similarité entre la réalité de l’écran avec la réalité de la vie actuelle nous fait passer aisément du rire aux larmes, tout en laissant traîner cette tension et cette boule dans la gorge durant les 1h38 de film. Touchant à de nombreux sujets tels que les gilets jaunes face au président, la crise des hôpitaux ainsi que l’humanité en elle-même, au milieu de tout ce brouhaha français, on retrouve Raf et Julie, un couple au bord de la séparation. Raf, dessinatrice et dépendante affective, Julie, éditrice de bandes dessinées excédée et terre à terre. La cohésion entre ces deux mondes va avoir lieu de part un léger accident, se faisant alors rencontrer un hôpital surchargé et les deux femmes. Et à partir de ce moment-là, l’histoire se déroule dans un véritable huit-clos et ce, jusqu’à la fin du film. Catherine Corsini fait ainsi un parallèle au réel sujet, amenant une dose d’humour suffisante pour que le film ne paraisse pas « trop lourd à supporter ». En effet,
passant d’une vieille dame sur son lit de mort, aux patients qui n’arrivent pas à respirer à cause des bombes lacrymogènes lancées par les CRS, ou encore la mini prise d’otage d’une infirmière par un patient psychiatrique
, sans compter le stress enduré à cause d’un routier ne voulant pas perdre son travail, il y a beaucoup de raisons de le regarder avec un poids permanent sur ses épaules.
Lorsque l’on lit tout cela, on croirait presque parler d’un documentaire sur la France actuelle. S’ajoute à cette vraisemblabilité, un jeu d’acteur des plus naturels, par exemple avec le personnage de Valeria Bruni Tedeschi, aussi comique que détestable, ou bien celui de Pio Marmaï, touchant et auquel on peut facilement s’identifier, sans compter l’exceptionnelle prestation d’Aïssatou Diallo Sagna, infirmière débordée mais aussi passionnée par son travail. Tous ces personnages reflètent, d’un point de vue éloigné ou non, les français de ces dernières années. Rien n’est laissé au hasard, puisque même les angles et mouvements de caméra ne sont pas toujours stabilisés, donnant ce rythme particulier et cette vision ressemblant à celle d’un humain, vivant les scènes, capturant la moindre onde de tension, de peur, et de colère, comme si on y était. Une véritable fracture sociale, le film portant bien son nom, où « Si on était des banquiers, il [Emmanuel Macron] serait sorti. Le problème, c’est que notre colère n’est pas légitime pour lui. », il oppose plusieurs classes sociales, riches et pauvres, peuple et forces de l’ordre avec au milieu, l’humanité des hôpitaux.
Au final, que penser de La Fracture ? Si l’on veut découvrir un film mixant le genre documentaire, humoristique et dramatique, c’est celui qu’il faut regarder. La réalité s’immisce, frappe, et grave un souvenir dans la tête sans que l’on puisse l’en empêcher. Le cinéma français n’a pas terminé de surprendre son public, encore moins avec cette merveille de Catherine Corsini.