La France est tombée, on a entendu un grand "crac", elle s'est mise à hurler, verdict : une belle fracture. Fracture sociale, fracture du travail, fracture de la reconnaissance... Ça va être long à guérir, et un bisou de maman ne suffira pas cette fois-ci. Le film de Catherine Corsini vous le donne en mille, mais n'oublie jamais de faire passer son message par l'humour, l'émotion et même un soupçon d'humanisme qu'on croyait perdu. On suit donc une nuit aux services des urgences, à bout de souffle, en manque de moyens financiers et humains, qui laissent ses patients se débrouiller (jusqu'au drame... Mais peuvent-ils faire autrement ?), une situation dramatique qui voit en plus arriver un cortège de manifestants gilets jaunes qui sont très amochés et particulièrement agités. Une nuit de folie. Voici donc qu'une dame aux idéaux assez éloignés de ceux des gilets se retrouve à partager sa chambre avec l'un d'eux (hilarant Pio Marmai, on ne s'en remet pas !), et nous de suivre leurs mésaventures en rigolant franchement, mais en n'oubliant jamais de remarquer l'hôpital qui tombe en ruine, le gouvernement qui demande à briser le secret médical pour obtenir les noms des manifestants (une honte !), les forces de l'ordre qui rêvent de finir les blessés (ah les bavures... Qui bientôt perdront ce nom, à cause d'une minorité qui le fait exprès), mais aussi le pouvoir de dépasser son opposition pour tendre la main à l'autre (non, le film ne diabolise pas les flics, puisqu'à la fin
le manifestant parvient à s'échapper avec l'aide d'un CRS
qui casse l'image du mauvais flic). Pas question de faire dans la caricature lorsqu'il s'agit des flics, qui souffrent et font parfois souffrir, une mesure de bon sens qu'on a particulièrement apprécié. On a fini cette séance de Cannes sur de longues ovations, sur des "j'espère que Macron verra ça", sur des gens qui d'ordinaire fuient les JT mais ont pris le temps d'aimer cette prise de conscience glaçante et décalée. Ou comment Catherine Corsini a réussi à éviter de faire un film plombant et moralisateur, pour en faire une comédie sociale ultra efficace et surtout ultra nécessaire.