Vu au ciné "LA FRACTURE" de Catherine Corsini, comédie dramatique à tendance politico-sociale, huis-clos dans un hôpital et plus particulièrement son service d'urgence où vont entrer en collision humaine un chauffeur de poids lourds blessé dans une manif par des policiers et une femme qui a glissé dans la rue en tentant de rattraper son amoureuse qui voulait la quitter.Gilets jaunes et gilets bleus quelque part réunis par une souffrance commune, celle de la non reconnaissance, difficulté à boucler les fins de mois pour les uns, stress et fatigue pour les autres, là où la fracture physique se mêle à la fracture sociale, avec aussi ici une fracture de couple assez pittoresque, ce qui amène pas mal d'humour pour un fonds au demeurant tendu et sombre.Mise en scène nerveuse, rythmée par les coups de sang et d'adrénaline de ces personnages au cours d'une nuit longue, trop longue, le tout filmé caméra à l'épaule au plus près des visages et des corps meurtris, au plus près d'un personnel au bord de la rupture, de patients au bord de la crise de nerfs, d'un couple en pleine transition, jusqu'à un final étouffant et prenant.C'est efficace et puissant, en nous éclaboussant en pleine figure de vrais problèmes toujours si actuels et qui grondent en sourdine...Mais ça reste un constat sans tirer de leçons et le côté parfois burlesque des situations permet de dérider le propos, surtout avec ce couple de femmes sans cesse en train de se disputer, leurs échanges à la fois cruels et sensuels, parfois risibles, sont les meilleurs moments du film, incarnés par deux comédiennes idéalement choisies et qui se jouent et s'envoient des joutes verbales épatantes, une sorte de ping-pong assez jouissif: Marina Fois et Valéria Bruni-Tedeschi sont vraiment superbes, avec leur fort tempérament, dans une vraie complicité qui transperce l'écran, plus Pio Marmai lui aussi formidable en "ouvrier" brut qui veut surtout garder son boulot, intense et direct, sans retenue, d'une violente humanité, un trio de comédiens formidable de justesse à l'image des membres du personnel de l'hôpital, des comédiens la plupart non professionnels comme Aissatou Diallo Sagna, bouleversante et d'une justesse étonnante en infirmière dévouée (6 gardes de suite) mais bientôt dépassée, tant et si bien qu'elle a du mal à s'occuper de son propre enfant malade, sur certains plans le film frôle le docu-drame, une tragédie humaniste de notre société d'aujourd'hui, où pointe heureusement régulièrement les notions d'entraide et d'amour, haletante, vibrante et aussi révoltante, mais toujours passionnante.Extra.