Philippe Lioret souhaitait depuis longtemps réaliser une version contemporaine de Roméo et Juliette. Le metteur en scène explique : "Shakespeare a écrit cette pièce au XVI ème siècle, mais elle est tellement intemporelle qu’elle ne pouvait pas ne pas être transposable à notre époque et, du coup, prendre un nouvel éclairage."
"Aujourd’hui, les familles Capulet et Montaigu ne se battent plus en duel à tous les coins de rue, mais une simple étincelle peut mettre le feu aux poudres. C'est inquiétant, mais plus intéressant."
Philippe Lioret a hésité longtemps avant de se lancer parce qu'il était sûr que d’autres réalisateurs avaient eu la même idée que lui : "Ça me paraissait tellement évident que j’ai abandonné aussitôt sans même faire de recherches. Et puis, quelques temps après, j’ai raconté le film que j’aurais aimé en faire à un ami - sans l’écrire, je l’avais déjà en tête - qui m’a dit ne pas comprendre pourquoi personne ne l’avait encore fait..."
"Du coup, j’ai fouillé et c’était vrai : à part les deux versions de West Side Story et aussi, d’assez loin, Two Lovers de James Gray qui s’en est peut-être vaguement inspiré, personne n’avait vraiment adapté la pièce à la réalité d’aujourd’hui."
Dans 16 ans, contrairement aux héros de Shakespeare, les familles de Nora et Léo ne sont pas rivales - pas encore -, mais appartiennent à des milieux très différents : Nora vit dans l’ensemble HLM de la ville, Léo dans le quartier résidentiel. Philippe Lioret précise :
"Socialement parlant, ils sont aux antipodes, mais ça ne les concerne pas. Ils se rencontrent au lycée - endroit qui gomme aussi ces différences -, se plaisent aussitôt et, pour leur première fois, tombent puissamment amoureux. Pour eux, rien d’autre n’a d’intérêt."
Philippe Lioret a voulu faire un film puissant et intime, en faisant en sorte que les spectateurs se sentent avec les personnages. Le cinéaste explique : "Juste capter la vie, le mouvement et si possible l’intensité. Avec Gilles (Gilles Henry, le directeur photo), nous avons fait le pari d’adapter d’excellents objectifs sur une caméra minuscule dont le très faible encombrement nous a permis de tourner librement dans de très petits décors. Partant de là, les acteurs pouvaient s’immerger dans l’entièreté des scènes et nous, les suivre en continu."
Sabrina Levoye est venue à la rencontre de Philippe Lioret et de la directrice du casting Coralie Amédéo via une annonce. Teïlo Azaïs avait quant à lui déjà un agent : "Nous avons rencontré une cinquantaine de Nora et autant de Léo, et comme souvent, ni Sabrina, ni Teïlo n’ont été les premiers choisis."
"Sabrina avait d’emblée cette grâce et cette fraîcheur, mais sa pudeur l’empêchait de se fondre pleinement dans les tourments de Nora. Je me suis dit que ça ne marcherait pas, mais ne pouvais pas non plus me résoudre à l’évincer tant sa personnalité me plaisait et rendait fades les autres candidates."
"Alors nous avons travaillé encore et encore et, un jour qu’elle peinait, pensant que le rôle allait lui échapper, les larmes lui sont venues et elle a eu l’idée de profiter de ce moment pour reprendre la scène. Et là, bingo, elle a trouvé « l’état », et a aussi réalisé tout ce qu’il fallait puiser en elle pour y parvenir."
A noter la présence de Nassim Lyes dans le rôle du frère, qui a récemment joué un personnage central dans Overdose d'Olivier Marchal. Le comédien confie : "J’adore la comédie mais j’aime aussi m’investir dans d’autres registres, me fixer de nouveaux challenges. Le film de Philippe en était un. J’ai passé le casting, conscient qu’il cherchait un garçon un peu plus jeune, et ma première chance a été d’avoir le permis moto, car Tarek conduit un scooter Tmax qui a beaucoup d’importance dans l’histoire."
"Le temps a passé, je n’y croyais plus trop, et un jour Philippe m’a appelé personnellement : il avait vu et revu tous les essais du casting et il voulait qu’on fasse une séance de travail."