Jacques Audiard est clairement un réalisateur qui ne laisse pas indifférent, à chacun de ses films. Pour ma part, je me révèle souvent perplexe face à son travail, en restant très distant émotionnellement lorsque je regarde ses films, pour constater plus tard qu'il y a toujours au moins une scène qui me reste en tête pendant des années. Le constat s'annonce le même pour "Les Olympiades"
Dans cette histoire d'une jeunesse recherchant à trouver une stabilité professionnelle, familiale, émotionnelle et sexuelle, Jacques Audiard a su très bien s'entourer, notamment avec Céline Sciamma qui participe au scénario et le formidable Rone qui compose la musique. Même chose niveau casting : si Noémie Merlant à déjà largement prouvé son talent par le passé, Makita Samba et surtout Lucie Zhang explosent littéralement tout, s'appropriant avec talent la première grosse partie du film.
Le premier grand aspect qui marche immédiatement dans "Les Olympiades", c'est sa plastique. Millimétré et parfaitement accomplie avec un accomplissement dans l'exécution du noir et blanc, le film est visuellement sublime, vraiment rien à dire de ce côté-là. Que ce soit de nuit où de jour, en intérieur ou en extérieur, quand les personnages sont habillés ou nus corps contre corps, le film est toujours incroyablement beau, à tel point que cela en devient vertigineux. Si les caméras épaulent de Audiard sont toujours aussi efficaces, il faut relever le travail des mouvements amples et étudiés, traversant parfois les environnements avec une précision chirurgicale, et une utilisation tout en justesse du Split screen, probablement pour reproduire l'aspect roman graphique du matériau d'origine.
Donc oui, dans la forme, les performances et les apparences, on est sur une pure réussite. Mais dès qu'on se penche sur le fond, le script et comment il est appliqué, c'est là que le film laisse entrevoir ses plus grosses faiblesses. Avec sa construction en trois-quatre chapitres un peu bâtarde et ses trop nombreux sous-scénarios (deuil familial, harcèlement, difficulté de l'emploi, pression familiale), le film peine à se concentrer correctement sur ses personnages. Leur temps de présence est d'ailleurs assez déséquilibré : si Camille est constamment présent, Émilie disparaît un peu après la première partie du film et ne revient que pour faire avancer son arc scénaristique avant le troisième acte. Nora grappille alors tout le temps d'écran, mais le lien qu'elle fonde avec Amber (Jehnny Beth) est trop épistolaire et rare pour être assez solide dans la finalité. On sent cependant l'écriture de Sciamma, dans les dialogues féminins comme dans sa capacité a structuré le récit de quotidiens déconstruits. Sûrement pour retranscrire l'impossibilité d'une jeunesse à se construire correctement tout en célébrant la variété des scénarios qui compose leurs vies, le film fini beaucoup trop par souffrir en terme de structure et de rythme, et le troisième acte est assez grossier tant il défonce le lent rythme du film à la voiture bélier pour conclure tout les arcs scénaristiques mit en place depuis 1h30.
Mon plus gros souci avec "Les Olympiades", c'est qu'il veut avoir du cœur, et que son script en est rempli, mais que l'application froide et chirurgicale de l'image, des dialogues et des situations lui fait défaut. À la fois composé de l'aspect fragile d'un premier film et du perfectionnement d'un réalisateur accompli, le film se déséquilibre autant que mon rapport à ses émotions. Il est encore plus difficile de l'apprécier quand il sort à peine quelques semaines après "Julie en 12 Chapitres" de Joachim Trier qui avait sublimé l'exercice de faire un film sur une jeunesse actuelle en quête de son identité et de son équilibre. À côté, Audiard peine à mes yeux à offrir une expérience similaire, et même une folle jeunesse qu'on montre repousser ses limites dès qu'ils sont nus ne rend pas le film moins classique, voir moins scolaire. Sans jouer à mettre en place un versus, mais il suffit de comparer la représentation de la nudité masculine entre les deux films : chez Audiard, on ne l'affronte pas et on met en place un rapport de force où les femmes sont nues en full frontal, mais l'homme a le droit à son caleçon. Chez Trier, on montre un homme seul au milieu de sa cuisine, avec juste un t-shirt, le sexe pendouillant dans le vide, suite à une scène forte, et on ressent un propos, on ressent que le nu à quelque chose de plus a raconté que les hésitations du cœur.
Parfaitement accompli jusqu'à en devenir glacial, insistant trop sur ses émotions millimétrées, "Les Olympiades" à gardé ses distances avec moi, encore une fois avec Audiard. Dans quelques années, cependant, j'y repenserai encore quand certaines scènes tourneront dans ma tête, sûrement la scène du restaurant où un personnage fantasme pouvoir s'absenter une heure pour voir un plan cul avant de revenir en dansant sous un tonnerre d'applaudissements, mais le conflit restera. Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre le prochain Audiard, voir si le schéma se répète encore.