Quoi de mieux qu'un petit pacte démoniaque pour enfin prendre l'ascendant sur une sœur qui vous a toujours fait de l'ombre ?
Jumelles, Vivian et Juliet ont toujours eu un don prononcé pour le piano depuis leur plus tendre enfance. Aujourd'hui, au sein d'une école de renom, il est désormais acquis aux yeux de tous que Vivian est l'enfant la plus prodigue de la famille, ne laissant pas d'autre choix à Juliet que de s'effacer devant la réussite à sa sœur. Mais un mystérieux cahier ayant appartenu à une défunte étudiante surdouée pourrait bien changer les choses...
On ne vous l'apprendra pas, de "Suspiria" à "Black Swan", l'environnement strict d'un établissement prestigieux fixant l'idéal artistique comme seul objectif à la réussite de ses élèves s'est toujours marié à la perfection aux divers registres de l'horreur pour donner des sommets de cinéma présents encore aujourd'hui dans toutes les têtes. En s'inscrivant dans cette droite lignée, il était donc logique que "Nocturne", troisième long-métrage de l'anthologie "Welcome to the Blumhouse", attire déjà un peu plus l'oeil que ses autres collègues à l'annonce de leur sortie.
Après l'avoir découvert, on ne pourra hélas que rapprocher ce film de la condition de son héroïne avant la découverte du cahier démoniaque lui permettant de s'affirmer."Nocturne" fait en effet figure d'un élève appliqué, sage, discret, s'évertuant à cocher toutes les cases du cahier des charges imposé par le genre dans lesquel il veut à tout prix briller, mais auquel il manque clairement ce don inné pour faire preuve d'une folie singulière, se démarquer et rejoindre l'élite cinématographique à laquelle il voudrait tant appartenir.
L'élève "Nocturne" a ainsi une plastique qui ne démérite pas, ayant la bonne idée de souvent traduire de manière perceptible la perte de repères de Juliet par l'image (l'habillage sonore est aussi à saluer en ce sens) ou de faire appel -un brin timidement- à une gamme d'effets/filtres colorés dès que l'ésotérisme frappe à la porte de son intrigue (cela se résumera tout de même à de vagues petits clapotis "suspiriesques" dilués dans l'ensemble). L'interprétation n'est pas en reste également, Sidney Sweeney et Madison Iseman rendent les tenants et aboutissants de leur rivalité gémellaire crédibles.
Sur le fond, l'élève "Nocturne" livre une dissertation alarmante loin d'être bête sur les dérives d'un tel environnement sur la jeunesse. La pression inconsciente de parents insouciants, l'exigence permanente d'un milieu cherchant lui-même à assurer sa survie par l'excellence, les recours aux pires extrémités pour assurer sa réussite, l'influence adulte de professeurs bien plus présents que la famille, la popularité et la reconnaissance comme synonymes d'épanouissement personnel... Tout ce que ce sujet peut recouvrir comme conséquences néfastes y est au moins rapidement évoqué jusqu'à une conclusion qui, elle non plus, n'éludera pas le fatalisme tragique de la situation. On pourra néanmoins regretter que le film traite à égale importance des histoires de coucheries adolescentes très convenues et certaines de ses thématiques bien plus primordiales.
La copie rendue n'est donc pas dénuée de belles intentions ou de propos honorables, "Nocturne" ne réussit seulement jamais à trouver une formule novatrice afin de nous passionner à sa lecture, se contentant de singer scolairement de plus illustres modèles sans en avoir la force d'impact. À l'instar de Juliet, peut-être que la réalisatrice Zu Quirke aurait dû aussi conclure un pacte démoniaque lui permettant de donner un ton unique, une nouvelle approche et une folie inattendue à "Nocturne" pour en faire un très grand premier film. En l'espèce, il ne pourra qu'être oublié instantanément dans l'ombre des plus grands.