Le tournage de La Chatte à deux têtes a eu lieu pendant trois semaines dans un ancien cinéma porno : le Merri, situé place de Clichy dans le 18ème arrondissement à Paris. Jacques Nolot le décrit comme "un lieu d'une grande gaieté, très fréquenté avant sa fermeture. J'y allais moi-même pour écrire. Les gens venaient en couple à l'époque, maintenant ils vont dans des clubs échangistes."
La Chatte à deux têtes est partagé entre deux espaces, le premier en haut autour de la caisse, le second en bas dans la salle de cinéma. Jacques Nolot revient sur cette dichotomie : "En haut, il y a la vie, le bruit de la rue, c'est le lieu où l'on cause, où l'on voit le visage des gens. En bas, dans le noir, c'est le silence, chacun vit sa propre histoire, ou ses frustrations. Mon personnage fait le lien entre le haut et le bas."
Jacques Nolot revient sur sa façon de diriger les mouvements de ses comédiens : "J'ai beaucoup pensé à la chorégraphie d'un ballet, des gens qui se lèvent à un moment, un qui s'assoit, d'autres qui partent, c'était très calculé. Les figurants étaient disponibles, moi, j'avais peur. Ce tournage a été un moment fabuleux de rencontre, mais extrêmement épuisant."
Jacques Nolot raconte la genèse de son nouveau film, La Chatte à deux têtes : "Au départ, ce devait être une nouvelle, une lettre adressée après sa disparition à Saïd, mon fils adoptif. Pour évacuer la douleur, j'ai continué à écrire des textes. Une idée s'est précisée autour d'un homme seul qui fréquente les cinémas pornos. Je me suis fait plaisir en écrivant des mots avec une musique assez triviale sur tout ce qui me travaillait, sur mes amertumes, mes frustrations. J'ai alors pensé en faire une pièce de théâtre. Jean-Michel Ribes était intéressé, mais on s'est vite aperçu que ce n'était pas possible d'avoir un budget suffisant pour réunir une cinquantaine de figurants sur une scène pendant plusieurs mois. Et puis, pourraient-ils garder leur sérieux pour se draguer, se sucer, s'enculer tous les soirs! On a laissé tomber. Plus tard, Pauline Duhault qui a produit Jeanne et le garcon formidable, et Le Cafe de la plage dont je suis l'interprète, a lu ce texte. Elle m'a encouragé à en faire un long métrage."
Jacques Nolot évoque les personnages que l'on trouve dans le cinéma porno : "On y rencontre des hommes de tous âges, de toutes nationalités, de toutes catégories sociales. Des travestis, des homos, des hétéros, qui peuvent se libérer de leurs frustrations, de leurs refoulements. Ici c'est l'inconnu, c'est vite fait, au revoir et merci! Les mêmes qui dehors cassent du pédé viennent se faire travesti. On y voit aussi des gens seuls, âgés, avec leurs fantasmes, qui n'ont droit à rien... Je voulais parler de cette solitude, de l'excitation du lieu, de la drague, du refus, qui font aussi partie du jeu. Mon personnage, l'homme de cinquante ans, dit à un moment : "J'ai beaucoup d'angoisse, et étrangement quand j'arrive là, je me sens bien.""
Avec La Chatte à deux têtes, Jacques Nolot traite d'une génération qui a connu les années Sida : "Ce sont des survivants. C'est pour cela que je me suis senti un peu obligé de parler du Sida. Je ne pouvais pas me permettre de parler de sexe de façon aussi claire, aussi triviale et directe, sans évoquer le sida qui est une catastrophe pour cette génération qui a vu disparaître de nombreux amis."
Jacques Nolot, également scénariste du film, a écrit des dialogues plutôt crus : "J'écoute beaucoup la rue, et j'écris comme je parle. Je ne sais pas faire autrement. Mon écoute, ma lucidité, mon regard sur les autres me donnent sans doute plus d'acuité dans les dialogues, et de générosité dans ma façon de filmer."
Jacques Nolot décrit son nouveau film comme une histoire d'amour : "il y a ce petit clin d'oeil en dérision, avec cette chanson d'amour "te quiero, te quiero, l'amor, l'amor". Beaucoup de ceux qui viennent là sont en manque d'amour. Je ne sais pas s'ils vont en trouver, mais il faut bien aller quelque part... C'est ce qui donne une dimension tragique à tous les personnages, elle est particulièrement forte chez l'homme de cinquante ans."
Jacques Nolot évoque la genèse du titre du film : "ce titre est venu il y a trente ans, lors d'une improvisation. Je faisais partie de la troupe de Didier Flamand pour la création de "prends bien garde aux Zeppelins", on avait improvisé une scène où je jouais un metteur en scène face à un acteur de porno. Je trouve que ce titre illustre bien la lâcheté des hommes, l'hypocrisie de leur regard sur le sexe du travesti. La chatte à deux têtes, c'est le rectum et la chatte. J'ai beaucoup de problèmes avec les hommes. Malgré le temps, les problèmes sont toujours là, l'enfance, le rugby, etc. Tout ce que j'évoquais dans L' Arriere-pays, mon premier film."
Jacques Nolot revient sur ses appréhensions à filmer des scènes de sexe : "Ce film me faisait peur. C'est très difficile de filmer le sexe. Je ne voulais pas de plans fixes, la caméra, toujours, effleure, glisse, et passe sur les corps comme quelque chose de sensuel, d'un peu érotique. J'ai essayé d'être le plus simple possible. Pas de gros plan, on verra ce qu'on verra, et ce qu'on en retiendra."
La Chatte à deux têtes est le deuxième long métrage de l'acteur, scénariste et réalisateur Jacques Nolot. Il occupe à nouveau les trois fonctions ici. Le film a été présenté en sélection officielle à Cannes en 2002 dans la catégorie "Un Certain regard".
C'est une "femme libre, exactement comme mon personnage, mais au féminin. La référence, c'est moi! Il y a aussi de ma propre vie dans ce personnage. Je suis partout, c'est affreux!"
Jacques Nolot explique comment s'est formé le casting de son nouveau film, La Chatte à deux têtes :"Brigitte Moidon m'a présenté une cinquantaine d'acrices pour le rôle de la caissière, certaines étaient un peu trop actrices, d'autres un peu trop liftées...Enfin, j'ai rencontré Vittoria Scognamiglio, on l'a un peu vieillie pour le rôle. Je ne savais pas si elle avait le vécu de la caissière, mais elle a ce côté femme de la rue, un charme populaire.
Quant à Sébastien Viala, qui tient le rôle du projectionniste, c'est un jeune rugbyman de Perpignan. Il s'est présenté tout seul pour le casting . Il avait la fraîcheur et l'accent du personnage... Il est très bien.
Pour la figuration, je voulais des non professionnels, Jacques Grant m'a présenté deux cent personnes... Certains étaient choqués... d'autres venaient en couple et demandaient à leur femme l'autorisation de se faire tailler une pipe... La plupart voulaient montrer leur sexe, mais pas leur visage.
Pour les travestis, il y a trois comédiens : Olivier Torres fait le travesti à la robe jaune, Frederic Longbois joue celui à l'éventail, et Lionel Goldstein l'homme à l'imper noir. Carole, le travesti nu en sous-vêtements féminin est un ami. Au début, il avait peur, puis il m'a dit, "tu peux faire ce que tu veux de moi..." Ainsi que Fouad, l'homme qui a eu sa dose.
Tous les figurants ont été formidables, j'ai tenu à les mentionner au générique. Avant chaque prise, je leur parlais très gentiment comme un père, un frère, une mère, ou un psy."