Comment expliquer le sentiment de malaise ressenti à la sortie du visionnage de ce film ? Certes, le sujet est grave et très actuel, le viol et son traitement judiciaire au travers d’une affaire évoquée de façon plutôt réaliste, même si la scène du viol lui-même n’est pas montrée à l’écran, ce qui au demeurant n’aurait rien apporté. Elle est en revanche évoquée dans ses moindres détails, particulièrement dans la partie principale du film, le déroulé du procès en assises, 30 mois après les faits.
Comme très souvent dans ce genre d’affaire, la grande question, quand la matérialité des faits est reconnue, est de savoir si la relation était ou non consentie. Au travers de la manière dont Yvan Attal nous présente, dans la première partie du film, les protagonistes et leurs familles, en écoutant les arguments échangés lors du procès par l’accusation et la défense, par la victime et par l’auteur présumé, on se croît finalement bien informé et en mesure d’avoir un avis argumenté et juste sur le jugement à venir. Et le fait même de se focaliser longuement sur le procès, par nature contradictoire, veut nous inciter à croire que la narration cinématographique était la plus objective qui soit.
Or, il n’en est rien, Yvan Attal nous manipule, plus exactement il manipule notre conscience en faisant semblant de faire de nous des juges impartiaux, alors que nous sommes seulement les témoins de ce que Attal a voulu nous montrer des protagonistes et de leur caractère. Avant le procès, le spectateur ne peut savoir où est la vérité, ni même ce que l’on sait véritablement des points de vue des uns et des autres. C’est ainsi que l’on apprendra uniquement au moment du procès que l’accusé a reconnu l’existence d’une relation sexuelle complète, alors qu’il la niait au début de sa garde à vue, seul épisode porté à la connaissance du spectateur avant la longue séquence du procès. D’incidence en incidence, la conviction du spectateur va ainsi progressivement se porter du côté de l’accusation et nous convaincre que c’est bien la victime qui a dit vrai, l’accusé étant étant un fils de grands bourgeois finalement assez désagréables. Certains des propos et des attitudes du père et de la mère de l’accusé, admirablement interprétés par Pierre Arditi et Charlotte Gainsbourg, sont à la limite de la caricature, Attal chargeant ainsi inutilement ma barque afin d’emporter la conviction du spectateur du côté qu’il a choisi dès le début. La dernière scène est à ce propos très éloquente : on apprend en voix off le verdict du procès, verdict très clément pour l’accusé, une part de doute étant demeurée chez les jurés. Et Attal nous montre alors, dans un flash back surprenant, les deux protagonistes sortant l’un après l’autre de l’endroit sordide où le viol a eu lieu, l’accusé calme et satisfait de lui-même, la victime ravagée et le visage défait. Nul doute à ce moment qu’il n’y a jamais eu de consentement. Le jury s’est trompé et Attal se tire une balle dans le pied en nous révélant que tout au long du film il nous a lui-même trompé en avançant caché. Ce n’est jamais agréable de sentir qu’on a été ainsi manipulé et mené en bateau pendant 2 heures, d’où le sentiment de malaise évoqué en sortant de ce film.