Voilà la première réalisation d’Yvan Attal que j’apprécie pleinement.
Son film est structuré en trois parties (le procès et les plaidoiries, je les mets dans la même partie) avec deux points de vue (ou quatre en doublant les membres des parties) : le point de vue d’Alexandre et de ses parents et anciennes amantes ; le point de vue de Milla et de ses parents.
La notion du consentement est abordé avec précaution, sans manichéisme et selon les deux points de vue.
Le consentement ? Quelle est sa limite ? Comment l’interpréter ? Quel visage a-t-il ? A-t-il nécessairement les traits du mâle ?
Yvan Attal ne donne aucune réponse. Par conséquent le spectateur se retrouve démuni, partagé. A moins que celui-ci sache, soit convaincu. Il y aura toujours dans le lot des spectateurs qui ont réponse à tout. Guidés par une morale religieuse ou un esprit manichéen.
A travers ces deux points de vue, Yvan Attal fait preuve d’objectivité. Les deux parties s’expriment selon leurs convictions et leurs cultures personnelles, selon une réaction primaire, évidente, spontanée pour la partie de Milla par exemple.
Le spectateur que je suis pourrait se joindre aux parents de Milla, d’autant plus si on est père d’une fille.
Faire preuve d’objectivité, c’est aussi à travers les médias et notamment les réseaux sociaux où la parole crue n’est ni dans la nuance ni dans la réflexion apaisée.
Faire preuve d’objectivité, c’est aussi donner aux deux protagonistes, Alexandre et Milla, un passé qui peut prêter à charge contre eux ; là encore, Milla avait fréquenté secrètement un homme de 32 ans, marié et pour lequel elle ne semblait pas remise.
Faire preuve d’objectivité ou d’intelligence (mais faire preuve d’objectivité c’est faire preuve d’intelligence), c’est occulter durant les plaidoiries le passé de Milla et d’Alexandre quant à ses pratiques sexuelles parfois brutales qui peuvent le desservir.
Les plaidoiries sont basées que sur les faits, rien que les faits. Il n’est nul question de sonder le passé pour expliquer les faits.
Yvan Attal nous donne au moins trois discours que j’ai trouvés captivants voire émouvants ; celui notamment de la maman d’Alexandre, Charlotte Gainsbourg, militante féministe ; elle est quelque peu perdue dans son engagement face aux agissements de son fils pour lequel elle le croit innocent. Pour lequel elle ne peut pas croire qu’il ait agit aussi violemment. Tout paraît s’écrouler. Croire en l’innocence de son fils c’est reconsidérer sa lutte contre toute forme de violence faite aux femmes !
Durant les plaidoiries, le réalisateur ne ballade plus sa caméra dans le champs des spectateurs. La caméra se braque exclusivement sur les avocats et les jurés. Ainsi, il prend à partie les spectateurs de son film, il les considère comme jurés.
Durant le procès, on commence à voir des séquences de la nuit passée d'Alexandre et de Milla.
Alors, je me dis que les deux points de vue vont converger vers un seul point de vue.
On y voit Alexandre et Milla s’enfermer dans le local. La caméra s’approche avec précaution,
aucun bruit ne se fait entendre, aucune indication, aucun signe ne vient influencer le spectateur
.
On ne sait rien. On ne saura rien.
La vérité sera à jamais enfermée dans ce local. Le consentement ou non sera à jamais fermé dans ce local.
Le spectateur « juré » n’a aucun élément de réponse.
Yvan Attal en abordant un thème aussi fragile qu’est celui de la notion de consentement en profite pour dénoncer la radicalité des mouvements #MeToo, et autres mouvements féministes adeptes de la "déconstruction" pour qui le mâle est bien synonyme de mal.
Juste ou injuste ? Justice est-elle rendue ou non ?
Le spectateur doit se débrouiller avec ça ; s’il est réfléchi, animé d’aucun manichéisme ou d’aucune morale religieuse, il doit s’abstenir.
Dans le doute, on s’abstient.
Et la justice est rendue.
« Les Chose Humaines » est un film sage !