OK, "que" 3/5, mais quelle surprise ! Il était quasiment impossible d'imaginer qu'après "Our House", un très médiocre film d'épouvante, Anthony Scott Burns puisse un jour livrer une "expérience" (je ne vois pas d'autre mot) du niveau de ce "Come True", ce n'est même pas un fossé qui sépare ces deux longs-métrages mais carrément un canyon ! Peut-être pas remis de la déconvenue du précédent, le réalisateur canadien a choisi d'à peu près tout faire derrière celui-là (mise en scène, scénario, photo, montage, même la sublime B.O. est signée par lui, sous le pseudo Pilotpriest, en collaboration avec Electric Youth) et on peut dire que ça a payé, révélant la patte d'un vrai cinéaste et auteur.
De par ses choix esthétiques allant d'une atmosphère qui se calque sur la léthargie de l'héroïne, victime d'insomnie à cause de ses cauchemars, aux décors rétro-futuristes scientifiques rappelant le cinéma de Cronenberg, l'ambiance du film est terriblement envoûtante, un voile d'étrangeté se resserre sur nous au fil du récit jusqu'à l'étouffement, sans compter les tableaux cauchemardesques qui entrecoupent certaines séquences (artistiquement, ils sont l'équivalent de photos de vacances prises par un Escher à Silent Hill, c'est dire l'angoisse !).
Et, quand les expériences sur le sommeil en labo démarrent, s'y rajoute en plus un degré de fascination tout bonnement incroyable par l'immersion sensorielle qui s'en dégage ! Même s'ils sont très différents sur bien des aspects, "Come True" m'a personnellement évoqué ce que j'avais ressenti récemment devant la minisérie "Devs" avec cette fenêtre ouverte par l'Homme sur un monde dépassant son entendement, susceptible de remettre tout ce qu'il croyait acquis. Ici, L'approche soulève moins de questionnements métaphysiques que la création d'Alex Garland -du moins sur les répercussions du procédé en lui-même- mais elle est tout aussi hypnotisante dans sa progression, nous interrogeant sur où tout cela va bien pouvoir encore aller et engendrer comme anomalies irrationnelles. Honnêtement, si Burns avait été capable de mener sa barque comme ça jusqu'à son terme, "Come True" aurait pu être une de ces pépites qui vous marquent longuement !
Mais il y a la dernière demi-heure... En gros, à partir du moment où l'héroïne se retrouve seule à regarder un écran accompagnée d'une splendide chanson, cette transe dans laquelle nous a mis le film s'évapore peu à peu, il ne retrouvera désormais son aura ensorcelante que par soubresauts, donnant l'impression de naviguer à vue. On aura beau essayer de nous montrer la pertinence globale d'une construction orchestrée à plusieurs niveaux, la machine donnera l'impression de s'être enrayée, l'écriture apparaîtra de plus en plus forcée, comme si on voulait à tout prix faire de "Come True" une espèce de vivier à interprétations obligeant l'oeuvre à survivre au-delà de sa durée. Alors, certes, les pistes de réflexion ainsi posées seront loin d'être bêtes (il faut reconnaître que le parcours de l'héroïne, qui se recompose en acceptant la pluralité de son être, est assez bien pensé, sa représentation lors des ultimes instants est d'ailleurs la parfaite émanation complète du Soi décrit par Carl Jung et le chapitrage du récit) mais la série de twists imaginée pour les révéler donnera l'impression de se fonder sur une mécanique bien plus artificielle que ce qui aura naturellement suscité notre enthousiasme dès les débuts du long-métrage. À vrai dire, on aurait même été plus indulgent avec une fin toute "bête" (le film aurait pu par exemple s'arrêter sur le passage en forêt) plutôt que d'autres rebondissements se voulant trop malins pour le propre bien de "Come True".
Partagé entre une première heure grandiose et une dernière demi-heure plus maladroite, "Come True" ne peut donc hériter au final que d'une note trahissant sa dichotomie mais on ne saurait que trop vous conseiller de vous laisser tenter par l'expérience proposée par Anthony Scott Burns, rares sont les films qui saisissent à ce point la forme d'inconnu dans laquelle ils choisissent de nous plonger.