Lacci, le titre du film de Daniele Luchetti, adapté d'un roman transalpin, fait référence à une scène où un père montre à ses enfants sa manière très particulière de lacer ses chaussures. Si la grande période de Luchetti, surtout politique, correspond au début des années 90 (La semaine du sphinx, Le porteur de serviettes), le cinéaste italien n'a jamais perdu la main, explorant souvent avec gourmandise la douce amertume des liens familiaux (La nostra vita). Après trois films restés inédits dans les salles françaises, Lacci montre son savoir-faire intact, dans une histoire de couple à priori banale, avec adultère et séparation, qu'il réussit à transfigurer et à rendre excitante par une construction acrobatique avec flashbacks et avancées dans le temps, sur pas moins de 30 années, et par l'exposition de plusieurs points de vue, y compris ceux des enfants devenus adultes. Plutôt qu'un mélodrame attendu, Lacci joue sur un registre réaliste avec rancœurs, désillusions et cruauté au programme, au point d'être parfois au bord d'une comédie noire. La mise en scène, sobre et élégante, exploite une certaine théâtralité des situations, illustrant parfaitement l'usure du couple, les compromissions et les mesquineries. Sans pour autant sacrifier aucun des personnages, chacun possédant des défauts criants mais aussi un charme certain dans la mauvaise foi. L'interprétation d'Alba Rohrwacher et de Luigi Lo Cascio est succulente et l'on regrette un peu que Laura Morante, Silvio Orlando et Giovanna Mezzogiorno aient moins de temps de présence, mais l'équilibre du film, difficile à obtenir avec plusieurs temporalités, nécessitait ces sacrifices.