Le catch est une discipline très particulière tout comme elle est plutôt limitée géographiquement puisque quasiment circonscrite au Mexique et aux Etats-Unis. Ridicule, folklorique ou intrigante, c’est un hybride unique entre le sport de combat et le show spectacle presque théâtral. Elle inspire sporadiquement le cinéma et accouche d’œuvres marquantes telles que « The Wrestler » ou le récent « The Iron Claw ». En général, même si le long-métrage est sérieux comme les deux cités précédemment, elle est aussi vectrice de comédie comme « Nacho Libre » ou le français (et oui!) et très drôle « Les Reines du ring ». Ici avec « Cassandro » on la perçoit différemment, presque comme un art à l’instar de ce à quoi peut ressembler la prestation d’une drag-queen par exemple. En dressant le portrait d’un catcheur existant réellement, sous la forme d’une chronique au sein de ce milieu singulier, le film sort des clichés et sentiers battus pour nous faire ressentir cette discipline sous un jour différent, presque poétique. Ici, il est d’ailleurs question de catcheurs bien particuliers et méconnus pour les profanes en la matière : les « exoticos », des catcheurs travestis et souvent gays que l’on retrouve essentiellement au Mexique et qui font partie du paysage bigarré du catch de là-bas.
Cette histoire a déjà inspiré un documentaire éponyme dont s’inspire le film et suis les pas d’un de ces exoticos qui va gravir les échelons de la célébrité par le biais de sa passion. Dans ce rôle vraiment particulier et difficile, Gael Garcia Bernal était tout indiqué. Il nous livre une composition magistrale et mémorable laissant paraître son côté féminin, sa douceur et son envie d’être respecté dans ce domaine peu commun. Il se donne à 100% pour le rôle et il est parfait! On suit aussi bien son parcours hors du ring que dessus et « Cassandro » nous captive et nous intrigue durant près de deux heures, plus que l’on ne l’aurait imaginé. L’histoire ce jeune homme qui vit par et pour le catch ainsi que sa vie à en dehors du ring en parallèle entre sa coach, sa mère et son amant est décryptée avec beaucoup de tendresse et de doigté. Chacune de ses parties s’emboîte parfaitement et permet d’alterner les séquences de combats d’autres plus intimes, pour un ensemble homogène et particulièrement réussi.
Mais il y a un quelque chose qui ne s’explique pas forcément qui envoûte dans « Cassandro ». Et la mise en scène de Roger Ross Williams, dont c’est le premier film après un lourd passif de documentariste, y est clairement pour quelque chose. Ses images sont magnifiques sans être tape-à-l’œil et sont en totale adéquation avec le sujet. Ses plans très travaillés et toujours étonnants avec une caméra adroitement placée là où on ne l’attend pas, sa photographie subtilement filtrée ainsi que l’ambiance à la fois mélancolique et presque crépusculaire font de ce long-métrage un petit bijou atmosphérique qui casse les codes d’un univers qu’on pensait différent. Les scènes de catch ne sont jamais filmées pour être impressionnantes mais pour faire comprendre au spectateur l’art de la mise en scène d’un tel show. En filigrane, la sexualité de Cassandro, du nom du personnage qu’il prend sur scène, montre un contexte encore plus étonnant qu’on ne l’aurait imaginé. Également poignant même si l’émotion n’est peut-être pas autant au rendez-vous qu’espéré, voici un film singulier et magnétique qui flatte aussi bien le regard que le cœur. Et qui nous offre un personnage de cinéma flamboyant et très attachant.
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