Je vois ici un grand nombre de mauvaises critiques... et surtout une grande incompréhension. Que vous n'ayez pas aimé, pour un tel cinéma de niche ? D'accord, je comprends... Que vous qualifiez ce film de décevant ou de raté : surement pas ! Et surtout, qu'il soit dit n'importe quoi sur ce que vous avez vu ? NON !
Vous n'avez pas compris sa forme, son contenu, ses messages, ses choix. Pourtant, c'est un petit bijou d'esthétique et d'intelligence, plein de trouvailles dans ses plans caméra, à la mise en scène soignée, avec un jeu d'acteurs parfait. Parfois, il s'agit presque d'un huis-clos, façon pièce de théâtre, qui oppose les personnages par groupe, par duo ou en solo, selon les perspectives que le réalisateur veut souligner, les conflits ou les complicités qui expose la nature des personnages et les stéréotypes qu'ils représentent. Les intentions ne sont pas téléphonées comme dans un blockbuster, les messages sont subtils, l'ambiance y est glacée et surréaliste. Vous pourrez y trouvez de nombreuses allusions au cinéma de Kubrick, d'Hitchcock (notamment "les oiseaux") ou de la série originale de 1959/1964 The Twilight Zone (assez clairement l'épisode post-apocalyptique "Time enough at last"), la forme porte aussi de l'esthétique d'Andrew Niccol, qui convient bien au sentiment de paranoïa, de mystère et d’opposition entre la nature organique, animale de l'homme et l’environnement artificiel qu'il s'est façonné et qu'il pense maîtriser. Car il s'agit bien de ça :
que deviennent nos valeurs morales quand le réflexe de survie nous submerge. Que deviennent nos illusions de contrôle quand le monde que l'on a créé se dérobe sous nos pieds ? Quand la clarté d'une fin imminente ne peut plus être niée, comment nous comportons-nous ? À qui, à quoi nous raccrochons nous ? À quoi bon trouver des raisons, quand il n'y a plus rien à sauver ? Comment réagissons-nous lorsque nous réalisons que nous alimentons nous-même le péril dans lequel nous nous trouvons ? Nos personnages sont les témoins éclairés d'une catastrophe dont ils nous apportent le misérable éclairage. Chaque individu viol ses propres valeurs à un point donné : la misanthrope devient le reflet précis de ce qu'elle exècre chez autrui, cet "autre" dont elle admet finalement ne pouvoir se passer (l'humain est un animal social). L'homme "informé" n'a que la lucidité de la fin, à l'instar de Cassandre, condamné à ne pas être écouté, ou dont la clairvoyance ne révèle que violemment le constat d'impuissance. Le professeur, qui incarne la raison éclairée et la bienveillante, la pondération et l'abnégation, trahit ses principes humanistes par peur et ignorance au lieu de porter secours. L'adolescent, qui représente l'insouciance, l'absence de préoccupation pour l'avenir, la vie du seul présent et de ses désirs, animé du sentiment d'invulnérabilité, finit par être le plus maltraité par les évènements, à porter plus violemment et dans sa chair les blessures de cette crise. La révoltée, en quête de batailles claires et identifiées, d'idées à défendre, prête à en découdre avec l'humanité, se retrouve désemparée en face d'un combat sans cause apparente, sans ennemi matérialisé ni injustice à réparer. Seule demeure intègre la représentante de l'enfance lucide. Si elle a une prescience de la vérité nue, qu'elle est à l'écoute des signes du monde, qu'elle a aussi une certaine lucidité concernant son incapacité à pouvoir y remédier, elle choisit délibérément le refuge dans une vie fantasmée, (par le truchement de la vie idéalisée des séries et du divertissement) plutôt que de chercher des solutions ineptes ou des explications inutiles.
La fin peut sembler frustrante à certains, à la fois ouverte et brutale... pourtant il ne peut y en avoir d'autre.
C'est une apocalypse, il n'y a rien à sauver, seul compte le trajet psychologique des individus face au tragique. Chaque personnage porte son propre deuil et en parcoure les étapes : le déni, la colère, la recherche de sens, l'alternance du désespoir que le chagrin impose et le répits que les souvenirs heureux offrent et surtout, l'acceptance. On danse autour du volcan, mais la fin est inéluctable, seules demeurent les cendres du passé. C'est un peu une fable écologique, un regard sur ce monde que l'on regarde périr dans le déni le plus absolu et par notre seule faute. Avec un rappel sur ce que la nature nous dit et que l'on écoute pas et sur le fait que la nature - elle - nous survivra . C'est aussi une critique de la destruction de l'homme par l'homme. Sur les guerres et leurs causes stériles et injustes. C'est aussi une forme de "vanité", au sens artistique du terme, où autant la richesse que "l'œuvre" de l'homme ne lui offriront jamais nulle éternité individuelle. C'est, encore, un point sur la fragilité des grandes causes morales quand elles sont mises à mal par la tentation de survie.
C'est un très bon film, qui ne plaira pas à tous, certes, mais un très bon film tout de même.