La lecture de certains commentaires m'a poussé à faire cette critique. Certains n'ont vu le film qu'à travers le reflet de leurs angoisses et pas réellement le film en soi.
"Les Rascals" propose une plongée dans l'univers du phénomène de bandes connu de la région parisienne au début des années 1980, à travers celle du titre composé de membres de la cité multi ethnique des Ulysses.
A partir d'un évènement violent en deux temps, on va suivre le destin croisé dont vont être témoin et victime, Jonathan Feltre fils d'immigrés antillais pauvres dont l'environnement familial est déjà marqué par la criminalité et Angelina Woerth, mosellane débarquée à Paris pour étudier le droit à ASSAS dont le grand frère était un punk/skin de la première heure.
L'interrogation sur la capacité et la légitimité d'un individu à se faire justice soi-même va être un fil conducteur de leur parcours respectifs. Le film se démarque d'autres films de bande pour son ancrage dans le contexte français et historique : dans le milieu des années 1980 est opéré un basculement entre des bandes à l'identité essentiellement culturelle (rockeur, teddy, reggae, B-Boy, G-Funk) vers une identité politique ( à l'extrême droite, JND, GUD, UNI, Boulogne Boys Serge Ayoub etc... et à l'inverse les Black Dragon).
Le réalisateur s'est largement documenté sur ces questions et ceux qui douteraient de la représentation faite de cette époque et de cette thématique ont à leur disposition nombre d'archives vidéos (INA, documentaires).
La réalisation du film est bonne pour les moyens mis à disposition, la photographie est réussie et on sent que le film souhaite être un film de cinéma avant d'être un film militant. Le découpage et le montage reposent sur une dynamique plus émotionnelle que coup de poing même si dans le contenu, le film n'hésite pas à montrer la violence subie par les personnages.
La justice et la violence, sa spirale étant les points centraux, le film nuance la sympathie que le public peut avoir pour les Rascals. Ils sont belliqueux, harcèlent les filles qu'ils croisent dans la rue, traînent dans les rues et ce malgré les alertes de leur environnement familial. Il y a aussi une certaine tendresse pour la culture urbaine de cette époque et aux langages qui la compose : clins d'oeil au louchebem et surtout au créole antillais, employé par la famille du personnage principal.
Le récit est donc original, viscéral, anti fasciste pour une part mais ne repose pas essentiellement sur ce sujet, davantage promoteur du multi culturalisme et met en garde contre les conséquences sociales de la loi du Talion. Tour de force pour un premier long métrage, j'ai hâte de voir les prochaines réalisations de Jimmy Laporal-Trésor. J'ai eu la chance de pouvoir échanger avec lui, c'est quelqu'un de pleinement conscient des enjeux portés par son film et très réfléchi. Le film permet de renouveler le champ couvert par le cinéma français et cela doit être encouragé.