J'avoue avoir du mal à comprendre le grand engouement envers Les Rascals. Car même s'il est efficace dans ses moments de tension et son discours sur la propagation de la haine par la vengeance et l'incompréhension, il reste très prévisible et classique dans sa construction narrative et cinématographique.
Il y a clairement un effort plastique dans l'image et les décors qui transpirent les années 80, de même pour les dialogues, la gestuelle des comédiens, leurs costumes, la musique.. Ce qui permet une immersion assez réaliste même si dans la mise en scène, le film va souvent se forcer à faire de très gros plans pour obscurcir les arrières plans et ainsi éviter sûrement des anachronismes. C'est donc assez paradoxal et frustrant de sentir une vraie vibe des eighties, tout en s'efforçant à ne pas trop en montrer. Mais la colorimétrie et le grain apporté à l'image donnent du ton aussi au film.
Pour le reste, finalement, c'est assez convenu. Même si tous les comédiens sont plutôt bien dirigés (mention spéciale à Angelina Woreth), les dialogues sont filmés de manière très classique, et toutes les scènes s'enchaînent de façon très prévisible, on sait souvent comment ça va se terminer ou quelle séquence suit après celle que le spectateur regarde. Du coup il n'y a jamais vraiment rien de surprenant, le film ne parvient pas à créer un effet de surprise malgré la violence de son ton et la profonde désillusion par le drame que subissent les protagonistes. On ne prend pas assez le temps de regarder la misère, la descente aux enfers, la propagation de la haine, alors que c'était pour moi tout le potentiel du film.
Il y a une certaine maitrise lors des scènes de poursuite et de violence, la tension est clairement présente de par le dynamisme du montage très bien dosé, la volonté de filmer de temps en temps les dégâts de la haine, et de la violence que ça engendre, mais on ne va jamais chercher plus loin dans ce que ça détruit de grandir et de vivre dans ce climat de peur. Il y a une super tentative dans le personnage de Frédérique puisque sa haine n'est pas politique mais personnelle, elle est donc facilement influençable, mais on a pas le même traitement pour les autres personnages. Je trouve ça dommage car finalement, malgré la volonté d'éviter le manichéisme, on tombe finalement dedans, sous fond d'un discours politique très banal, notamment avec cette séquence de fin un peu ridicule, une sorte de happy end qui n'avait pas du tout sa place au vu de la noirceur des scènes précédentes, justement très marquantes de par le chaos et la dégringolade de la vengeance. Pareil pour cette précarité à peine effleurée, au début filmée de manière très élégante avec la distance entre la mère et son fils, mais jamais plus exploitée. Et les questionnements abordés par les différents thèmes du film (la montée du racisme, l'incompréhension d'une époque qui change, qui désillusionne les protagonistes) ne sont abordées que par quelques séquences dialoguées trop explicites pour que l'on puisse réellement y croire. Dommage par exemple qu'on ne revienne pas plus sur le frère tabassé au début du film, qui aurait eu un potentiel intéressant dans son développement.
Les Rascals reste un film sympathique mais qui ne va pas chercher plus loin que le bout de son nez dans sa mise en scène et dans sa construction narrative. Tout y est très prévisible et il y a un énorme potentiel pas souvent bien exploité sur la réflexion d'une époque et sur le principe de haine et de vengeance. Tout est rythmé de façon assez irrégulière, parfois très efficace parfois mou, et n'arrive pas à profiter pleinement de ses scènes pour y instaurer un contexte métaphysique qui aurait clairement été passionnant et intéressant. Reste un drame sortant un peu du lot de par sa violence physique, son montage effréné et son mood années 80 plutôt bien retranscrit. Mais rien de finalement impressionnant ou révolutionnaaire.