De la Berlinale à Cannes, cette année aura été prolifique pour un Quentin Dupieux qu’on n’arrête plus. Il enchaîne les projets farfelus, en naviguant toujours plus loin avec des concepts aussi simplistes qu’absurdes. Ici, il ne fait pas exception. Après le pneu qui roule sa bosse, une veste en daim suprémaciste et une mouche géante affamée, il se pose dans une maison, où le temps sera message d’espoir et de crise. Toute semble incompatible jusque dans la formulation d’un synopsis, mais nous tairons volontairement les nouvelles règles de cette demeure, qui pourrait bien mener ses hôtes et leur entourage à leur perte.
Si les protagonistes peinent déjà à trouver les mots pour expliciter ce mystère, cela dès la première minute, il faudra s’armer de patience pour que la fantaisie épaississe et que la sauce tienne. Nous naviguons de nouveau à vue dans cette intrigue qui bascule rapidement dans l’absurdité, sinon un flou accentué à chaque plan. Les personnages sont alors au centre d’une mise au point permanente et jusqu’au générique final. Un couple se lance alors dans l’achat d’une première maison, où l’on découvrira les traits d’Alain (Alain Chabat) et de Marie (Léa Drucker), deux pôles qui s’attirent et qui s’étirent dans le même mouvement. On comprendra que leur relation est à l’étude, entre les travers d’un lieu magique et la brutalité dépressive de la réalité.
La première lutte contre ses démons au quotidien et doit gérer entre l’impatience de ses clients et celui de sa femme, qui transforme son fantasme en une quête obsessionnelle. La contrainte du temps qui passe suggère l’inéluctable du côté d’Alain, qui accepte cette fatalité, mais Marie ne l’entend pas comme lui. Un suspense après l’autre, ce sont ces petits plaisirs dans les dialogues, repoussant suffisamment les révélations, que l’on devine la malice du projet. Cela peut sembler un peu bancal et revisité, mais avec l’énergie spontanée et une sensation imprévisible, nous nous laissons guidés dans un manège que même le pseudo-couple d’en face n'arrive pas à gérer. L’employeur d’Alain (Benoît Magimel) ne jure que par une virilité artificielle, tandis que sa bimbo de partenaire (Anaïs Demoustier) chauffe tous ceux qui passent par sa boutique de lingerie.
« Incroyable mais vrai » constitue une note de suspension dans sa filmographie, déjà fournie et habitée par une enveloppe absurde, mais toujours humoristique. Il y décortique cette flamme du couple, qui s’éteint et qui peut prendre des rides, tout en estampillant sa recette d’un cynisme pertinent. L’équilibre tient à pas grand-chose et ce sera encore et toujours dans la dernière ligne droite que Dupieux lâche prise. Le sentiment d'inachevé est encore plus frustrant, sachant qu'il lui reste de la place pour transcender son cinéma. Pourtant, il s'y refuse une fois de plus, par crainte d'échouer et d'en faire trop. Conclure sur un clip d’une longueur excessive ne gagne pas à rendre justice au développement de ses personnages. Peut-être bien qu’au fond, il les a envoyés en éclaireur dans cette fameuse cave, car lui-même n’a pas encore la force d’y pénétrer avec assurance.