Très court (1h15), « Incroyable mais vrai » est curieusement construit et surdialogué. Dans les 20 première minutes, le montage tord le cou à la notion de temps, les scènes sont montées en décalé, on voit la scène 2 avant la 1 puis la scène 4 et la scène 3… C’est un peu déroutant mais c’est une façon comme une autre de nous faire toucher du doigt la problématique du film, hier c’est demain et demain s’est déjà produit ! Mais au bout d’un moment, comme si le cerveau du spectateur avait intégré l’idée, la narration redevient normale pendant une grande partie du long-métrage, avant de connaitre une autre accélération fulgurante dans les 15 dernières minutes. Sans aucun dialogue, avec juste de la musique, on voit défiler l’avenir (funeste ou non) des 4 personnages à grande vitesse pour se terminer par une scène surréaliste comme il convient. Omniprésence de la musique, montage audacieux, décors, accessoires et costume clairement démodés (exemple , le jeu vidéo du début, on dirait un jeu des années 80) film très ramassé (si certains films sont des marathons, celui-ci est un 110 mètres haies, avec le risque de se casser la figure à intervalles réguliers !) et surtout dialogue déliés au maximum. Il faut 10 phrases aux personnages avant de réellement dire quelque chose. C’est drôle au début, et puis c’est vite exaspérant car c’est comme tout : tout est dans le dosage. Mais avec Quentin Dupieux, on est parfois dans la surenchère permanente, alors pour le dosage on repassera. C’est comme la façon qu’il a eu de dessiner ses personnages. Le seul à avoir un rôle équilibré de type normal c’est Alain Chabat (impérial, comme d’habitude). Les autres sont dessinés à très gros traits : Jeanne (Léa Drucker) est obsédée par cette trappe
qui la fait rajeunir de 3 jours à chaque descente et rêve de redevenir jeune, au point d’en perdre la raison et le sens commun, et de mettre en péril son mariage
. Gérard (Benoit Magimel, désopilant) est une sorte de beauf 2.0 bedonnant et vulgaire, obsédé par sa nouveauté technologique (dont je ne dirais rien) au point de caler sa minable vie dessus. Le gag sur sa personne est drôle mais là encore, surexploité au point d’en devenir un peu lourd. Quant à sa jeune compagne Jeanne, une sorte de minette permanentée, elle a le rôle le moins écrit et disparait plus ou moins du film pour les 20 dernières minutes, c’est aussi celle des 4 qui avait le moins de choses à dire et à montrer. Les 4 comédiens sont parfaits mais je fais une mention spéciale à Benoit Magimel, étonnant de beaufitude. Le scénario, pour peu qu’on accepte le postulat surréaliste du départ, est une sorte de conte moral sur la non acceptation de ce qu’on est, le désir irrépressible et malsain de désirer ce qu’on ne peut avoir, ou dans le cas présent, ce qu’on ne peut plus avoir. Si on reste sur la problématique de Marie (mais celle de Gérard n’en est pas très éloignée),
elle veut redevenir jeune parce qu’elle a peur de vieillir, et donc de mourir. Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est un thème traité, re-traité et re-re-traité par le cinéma sous tous les angles avant celui de « Incroyable mais vrai ». On est plus ou moins dans une version 2.0 et postmoderne du « Portrait de Dorian Gray » avec la petit morale de fin qui convient sur le fond et la forme, la futilité des apparences, la dualité entre la beauté physique et le beauté morale
. « Incroyable mais vrai », c’est un film aussi inventif sur la forme qu’il est fragile et éculé sur le fond. C’est sur que c’est un cinéma qui ne plaira pas à tout le monde parce que 1h15 dans ce monde étrange pourrait presque mettre mal à l’aise. C’est un film à réserver à ceux qui n’ont pas eu peur du « Daim » ou de « Au poste !», que pour ma part j’ai préféré à cette fable un peu fragile sur ses bases.