Suite à l'avant-première réussie de son nouveau film, un réalisateur et sa muse rentrent tard dans leur villa hollywoodienne et dissèquent leur vie, leur relation. De l'apparente engueulade classique d'un couple fatigué, "Malcolm & Marie" change très vite de ton et aborde des questions beaucoup plus profondes. Sam Levinson, le créateur de la série emblématique "Euphoria", est aux commandes de cette oeuvre fabriquée en pleine crise sanitaire, preuve en est que l'on peut faire des films qui sortent de l'ordinaire, sans se référer à la pandémie... L'histoire adopte le parti pris de se dérouler à huis clos et sans ellipse. Les plans en noir et blanc contribuent à une esthétique minimaliste et théâtrale, et permettent de placer l'intensité des personnages au coeur de ce chaos conjugal. C'est un spectacle intime, plein de ruptures et de violences psychologiques où chaque geste et regard comptent, à l'instar d'un château de cartes fragile, qui risque de s'effondrer à tout moment. Le duo d'acteurs, John David Washington et Zendaya, incarne ce couple toxique, l'un empêtré dans ses contradictions et l'autre hantée par un passé douloureux, avec une justesse et une sensibilité qui dominent chaque scène. J'ai aimé le contraste entre ces deux pôles : lui est travailleur, impulsif et égocentrique alors qu'elle est taciturne, contradictoire et fragile. La caméra, elle aussi, alterne entre mouvements improvisés et immobilité, et traverse cette atmosphère tantôt dysfonctionnelle et étouffante, tantôt tendre et passionnée. Mais derrière ce récit simpliste, les joutes verbales écorchent et réveillent d'anciennes cicatrices, et rappellent combien un mot peut avoir une emprise sur un être. Mais Levinson capture ici l'essence d'une mécanique de couple particulière qui ne sait fonctionner qu'en se faisant mal, en transformant un petit rien en un grand chaos. Le réalisateur en profite également pour hurler sa rage envers le monde de la critique et le fonctionnement de l'industrie cinématographique. Difficile de ne pas se sentir concerné ou emporté dans ce tourbillon d'ego et d'émotions. Néanmoins, "Malcolm & Marie" s'étale un peu trop en bavardage et souffre de quelques redites inutiles. Histoire d'amour électrique et contrariée, à la fois beau et violent, long et percutant, "Malcolm & Marie" n'en reste pas moins une oeuvre radicale, harassante, marquante...