Dans toute oeuvre, il y a une part de son auteur. Le processus de création peut être long, pénible, cruel et intime. Chaque choix artistique (thèmes, cadres, esthétiques, modèles, casting, couleurs, formes, mouvements, contrastes, musiques, ...), chaque décision prises lors de la réalisation donne cette identité, cette sensibilité propre au produit fini qui, ensuite, est lui proposé aux yeux et aux oreilles de tous pour être finalement soumis aux critiques, critiques qui sont elles-mêmes liées fatalement à la réceptivité du spectateur. La fibre artistique est donc étroitement guidée par la force des sentiments. Et c'est bien de ce dont il est question dans Malcolm & Marie, dans ce couple qui se déchire si intensément et s'aime avec tant de passion. Leur relation est comme une oeuvre d'art, un Amour tragique né dans la souffrance et le doute mais cependant si puissant et vital à exprimer. L'actrice expérimentée Zendaya (déjà plus de 10 ans de carrière) face à John David Washington ("fils de" et nouvelle coqueluche d'Hollywood), l'ex-junkie bien cabossée par la vie et encore fragile Marie face au talentueux mais colérique jeune réalisateur Malcolm aujourd'hui enfin respecté par ses pairs, on en vient à se demander qui inspire le plus l'autre (Malcolm est-il un imposteur ? Qui est le plus dépendant de qui ? Qui mérite finalement le plus la reconnaissance de son talent ?), qui pousse à son extrême le réalisme de certaines scènes (qu'est-ce qui fait un bon film ? Les bonnes critiques ? Le film aurait-il pu être encore plus réussi dans les mains d'un autre, interprété par une autre actrice ?). Le duo d'acteurs se teste, se tyrannise, se touche, s'injure, se désire habilement sous la direction du réalisateur Sam Levinson qui assume jusqu'au bout des choix risqués, d'abord artistiques (noir et blanc, profondeur de champ, mises en abyme fréquentes avec des cadres dans des cadres comme des fenêtres qui obligent à regarder plus loin, travellings extérieur limpides, jeux de miroirs qui fragmentent l'image ...) puis scénaristiques (longs monologues, tirades interminables, silences pesants, scènes de dialogues percutantes et brutales, ...). Malcolm & Marie, c'est un film qui ne pourrait parler que de la dispute éprouvante d'un couple qui a lieu dans le cadre strictement privé, mais c'est surtout aussi une oeuvre d'art singulière parce qu'elle ose nous placer en observateurs discrets, muets et invisibles, parfois de l'extérieur, d'autres fois au plus près des personnages ... et cela a le mérite de déstabiliser, de questionner sur ce qu'est un bon film dramatique.