L'ordre moral raconte l'histoire de Maria Adelaide Coelho da Cunha, héritière et propriétaire du journal Diário de Notícias. Le réalisateur Mario Barroso avait un oncle qui vivait dans sa rue et qu'il appelait l'oncle-colonel car il était sous-directeur du Diário de Notícias dans les années 50. "J'étais enfant et je le trouvais très drôle, parce qu'il nous racontait beaucoup d'histoires, et toujours avec beaucoup d'humour (il écrivait aussi du théâtre de revue). J'avais environ dix, onze ans, quand il m’a raconté l’histoire de l'ancienne propriétaire du journal, qui s'était enfuie avec son chauffeur. Une femme riche qui, à presque 50 ans, décide de s'enfuir avec un chauffeur beaucoup plus jeune, c'était une chose inhabituelle, et je me souviens l'avoir trouvée très courageuse. Il y a quelques années, en réfléchissant à un nouveau film, et parce que j'avais un immense désir de tourner avec Maria de Medeiros, je me suis souvenu de cette histoire."
Mario Barroso a écrit le rôle de Maria Adelaide Coelho da Cunha pour Maria de Medeiros. Selon le cinéaste, elle a été la seule actrice portugaise à s'adapter à sa vision de Maria Adelaide, qui correspondait exactement à ce qu'il pensait, après tout ce sur quoi il avait enquêté, tout ce qu'il avait lu. "Outre son énorme talent, elle possède une beauté étrange, exotique et différente de la beauté traditionnelle. À commencer par l'expression de son visage. J'avais décidé que je ne voulais pas vraiment raconter cette histoire sous l’angle d’un d'amour torturé, d’une grande passion. Ce qui m'a fasciné, c'est cette femme pleine de force, qui s'est battue et a gagné, qui a eu le courage d'abandonner une famille, le confort matériel, et de partir. En fait, c'était une femme libre qui a tout donné pour vivre son désir de vivre sa liberté. Elle a décidé de choisir sa vie, chose qui à l'époque était extrêmement difficile, comme la suite des évènements l’a prouvé. Et c'est dans ce sens que nous avons développé le scénario, Carlos Saboga et moi."
Le reste du casting a été choisi en fonction de Maria de Medeiros. "Pour son mari du même âge, il fallait quelqu’un d’élégant, j’ai choisi Marcello Urgeghe, que je connais depuis son enfance, car j'ai aimé l'ironie qu’il a su donner au personnage lors du casting. Pour incarner le jeune chauffeur j’ai choisi João Pedro Mamede, et pour l'ami du syndicat Albano Jerónimo, que j'avais vu dans Le Domaine, et qui était fantastique. Dinarte Branco, que je connais aussi depuis de nombreuses années, joue Egas Moniz, et João Arrais, son fils. Les amies de Maria Adelaide sont toutes de grandes actrices : Ana Padrão et puis Júlia Palha, qui est plus jeune d’une génération. Et puis il y a les participations spéciales d'Isabel Ruth, Teresa Madruga et Rui Morrison. J'ai essayé de tirer le meilleur parti des caractères de chacun", explique Mario Barroso.
Mario Barroso joue un petit rôle dans son film, avec un nom curieux, d'ailleurs. "C'est juste une blague... J’avais déjà fait de petites apparitions dans plusieurs films, dont ceux de João César Monteiro. Il n'y avait personne ici pour jouer ce petit rôle, et j'ai décidé de le faire moi-même, et en hommage à Monteiro, de donner le même nom au personnage (« Dr Cruel », dans La Comédie de Dieu, 1995). Mais, par erreur, j'ai changé son prénom, et ce n'est que plus tard que je l'ai réalisé. Dans le film de Monteiro, j'étais le Dr Pedro Cruel et me voici Dr Aníbal Cruel (rires)."
Mario Barroso et son équipe ont eu la grande chance de pouvoir filmer dans la maison Veva de Lima, une maison fantastique, où étaient organisées des soirées littéraires très populaires à Lisbonne dans les années 20 et 30. "Et donc nous avons pu recréer ce théâtre là-bas. Maria Adelaide avait une grande passion pour le théâtre et organisait des représentations. Dans le film, elle met en scène deux pièces : chez elle à Lisbonne, Sóror Mariana, de Júlio Dantas, très approprié à la situation et qui renforce l'intrigue du film (et Dantas était, en fait, un ami de la famille) ; puis, à l'hôpital, Mademoiselle Julie de Strindberg, qui inverse les situations de genre et de classe, puisqu’elle joue le rôle du valet."
Dans L'ordre moral, Mario Barroso concilie le travail de réalisateur avec celui de directeur de la photographie. "C'est la chose la plus facile à gérer pour moi. Parce que je sais exactement quoi faire, comment je vais filmer. Quand j'arrive sur le plateau, je n'ai même pas trois minutes d'hésitation. Je travaille sur les décors avec les décorateurs, sur la garde-robe avec les costumières (et permettez-moi de souligner que dans le film, le travail de Paula Szabo et Lucha d'Orey est magnifique), mais quand j'arrive sur le plateau, je sais parfaitement ce que j’ai à faire, l'endroit où placer les acteurs afin de tirer le meilleur parti de la présence ou de l'absence de lumière. Cela me facilite beaucoup le travail. Dans le film, j'ai surtout utilisé la lumière naturelle, parfois renforcée à un endroit ou à un autre, mais cela ne m'a jamais posé de difficulté. Je peux même dire qu'il y a de nombreux aspects de la mise en scène qui sont le fruit de ma vision de directeur de la photographie, et d'une certaine "efficacité" liée au peu de temps que nous avons dans un tournage."