Madres paralelas : les secrets du tournage

Penélope Cruz a reçu la Coupe Volpi de la meilleure actrice lors du Festival de Venise 2021 pour son rôle dans Madres Paralelas.

Madres Paralelas est le septième long-métrage dans lequel Pedro Almodóvar dirige Penélope Cruz. Le réalisateur qualifie sa prestation de « tour de force » et considère qu’il n’avait jamais mis un personnage dans une situation aussi difficile, avec celui d’Elena Anaya dans La Piel que habito : « De par l’originalité et la noirceur des péripéties du personnage, ce n’était pas évident de donner à Penélope Cruz des références tirées de la vraie vie. La diriger a été un processus minutieux pendant lequel j’avais besoin qu’elle se donne à moi comme dans un état d’hypnose. » La comédienne étant très émotive, le réalisateur a dû canaliser ses larmes et a préféré accentuer dans son jeu la culpabilité et la honte.

Selon Pedro Almodóvar, tous les éléments réunis dans Madres Paralelas en font un mélodrame mais il a décidé d’en faire « un drame tendu et contenu, difficile à interpréter et avec une héroïne qui n’est peut-être pas un modèle de vertu, mais qui m’attirait justement pour cette raison. »

Face à Penélope Cruz, on découvre Milena Smit, qui fait dans Madres Paralelas sa deuxième apparition dans un long-métrage, après le thriller Cross The Line. Pedro Almodóvar la qualifie de « grande révélation » : « tout ce qu’elle fait devant la caméra est empreint d’une grande vérité… Il n’était pas simple de ne pas s’effacer quand on a en permanence devant soi une Penélope Cruz qui est un tourbillon dans son rôle de Janis, mais Milena est le contrepoint parfait, sa pureté et son innocence accentuent les parties les plus sombres de Janis. »

Madres Paralelas évoque les charniers franquistes contenant des milliers de cadavres d’opposants à la dictature de Franco, qui ont été enterrés dans des fosses communes clandestines. Aujourd’hui encore de nombreuses familles espèrent une identification des corps afin d’offrir une vraie sépulture à leurs proches disparus. Dans les premières versions du scénario, le sujet des charniers était plus présent mais Pedro Almodóvar a décidé qu’il était trop fort pour être mélanger à d’autres. Il souhaitait qui plus est se concentrer sur le destin de ces mères : « De façon à développer cette trame, j’ai décidé de laisser pour la fin l’ouverture de la fosse commune. J’espère malgré tout que ce que je montre de ce sujet aidera à mettre en lumière un problème urgent et toujours actuel de la société espagnole. » Il souligne toutefois qu’il n’était pas question pour lui d’en faire un règlement de comptes, « à l’instar des familles des victimes qui ne font qu’exiger une pierre tombale où inscrire le nom de leurs êtres chers ainsi que le droit de pouvoir les enterrer dans un lieu digne où elles puissent leur rendre hommage. C’est quelque chose que la société espagnole leur doit encore aujourd’hui, c’est une dette urgente ».

Diriger un enfant n’est jamais une sinécure et Pedro Almodóvar peut en témoigner. La petite Cecilia est interprétée par Luna Auria Contreras. Si le tournage s’est déroulé sans accroc, la petite fille qui a atteint presque l’âge de 2 ans à la fin du tournage n’arrêtait pas de pleurer lors de l’avant-dernier jour du tournage. Il a fallu plusieurs heures de pause avant de pouvoir reprendre la scène. Mais ce qui préoccupait le réalisateur était la mise en boîte d’un des plans finaux, qui s’attarde sur le visage de l’enfant. La jeune actrice n’arrêtait pas de crier et ne restait pas en place, quand la deuxième assistante réalisation — qui avait fait une fausse couche — a attiré son attention : elle a entonné une berceuse, celle qu’elle rêvait certainement de chanter à l’enfant qu’elle venait de perdre. « Luna est restée hypnotisée par la berceuse, en a oublié sa contrariété, s’est calmée et nous a offert un long regard, concentré et mystérieux, nous permettant ainsi de terminer le tournage dans la joie », se souvient le réalisateur.

Une affiche du film présentant un mamelon duquel coule du lait a été censurée par Instagram. Le réseau social s’est finalement excusé et a autorisé la mise en ligne du visuel, estimant qu’il s’agissait d’un desgin artistique.

Penélope Cruz utilisait durant le tournage une poupée en tant que substitut du bébé. Lorsque l’équipe lui prenait cette poupée, l’actrice refusait de l’abandonner : « Ça me faisait peur. […] je devenais folle. C'était mon bébé. »

Pedro Almodóvar a évoqué l’idée de Madres Paralelas à Penélope Cruz pour la première fois en 1999, lors de la tournée promotionnelle de Tout sur ma mère.