Superbe mélo.
Certes, Pedro Almodóvar a une furieuse tendance à nous faire toujours, peu ou prou, le même film. Et, une fois de plus, pour ces 120 minutes, ses thèmes favoris sont au rendez-vous : la maternité, les femmes fortes et indépendantes, les liens biologiques et le dévouement maternel… Ce à quoi, je répondrai : et alors ? Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d'âge mûr, n'a aucun regret et durant les heures qui précèdent l'accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu'elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l'hôpital. Les quelques mots qu'elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d'une manière qui changera leur vie à toutes les deux. C’est brillant, enlevé, à fleur de peau, jamais ennuyeux, superbement mis en scène et interprété. Que demander de plus ?
Mélodrame ? Bien sûr ! Mais Almodovar a su éviter le pathos, le trop plein de larmes et parvient même à créer une empathie pour un personnage qui n’est pas vraiment un modèle de vertu. Le film évoque également les charniers franquistes contenant des milliers de cadavres d’opposants à la dictature de Franco, qui ont été enterrés dans des fosses communes clandestines. Aujourd’hui encore de nombreuses familles espèrent une identification des corps afin d’offrir une vraie sépulture à leurs proches disparus. A ce titre, on regrette un peu que cette histoire parallèle ne soit pas plus présente. – Ou alors, ne fallait-il pas lui consacrer un autre film, tant la dette est urgente ? -. C’est sans doute le seul regret que je ferais à ce drame magnifiquement écrit et filmé sous le signe du fameux « rouge Almodovar » présent dans tous les plans. Emotion, fascination, subversion, tout est réuni pour un grand Almodovar.
Penélope Cruz, sacrée meilleure actrice à Venise, est au sommet de son art. On découvre la jeune Milena Smit qui promet beaucoup. Israel Elejalde, le seul homme de l’histoire, est parfait de sobriété. Citons encore Aitana Sanchez-Gijon et l’ébouriffante Rossy de Palma. A 71 ans, le maître madrilène reste égal à lui-même, bourré de talent, parfois de petites manies, et de ses failles qui nourrisse ses scénarii. Une fête pour les yeux et pour les sens. Moins flamboyant sans doute, mais d’autant plus attachant. Pedro reste LE cinéaste des femmes.