Pedro Almodovar, l’un des rois du cinéma d’auteur, des festivals internationaux et du cinéma indépendant européen, fait partie non pas des réalisateurs éclectiques, passant d’un genre à l’autre au gré des envies, ni même d’une thématique à l’autre d’ailleurs. Il a ses obsessions et sa filmographie pourrait être étudiée en école du cinéma pour sa cohérence et la récurrence de ses sujets. En près de quarante ans de carrière, et pas mal de chefs-d’œuvre (« Tout sur ma mère », « Volver », ...), il a toujours flirté avec la femme, la mère et l’identité de genre. Et toujours dans une mise en scène flamboyante et colorée qui ravit l’œil et ne ressemble qu’à lui. Ses œuvres sont immédiatement reconnaissables à l’instar d’un Wes Anderson. Heureusement, il ne radote pas, alternant les films plus dramatiques avec ceux davantage comiques, ou alors mélangeant les deux dans un maelstrom d’émotions. Mais ce « Madres Paralelas » sent un peu le réchauffé et se place clairement comme un opus mineur du cinéaste madrilène, presque paresseux même.
Attention, on reste chez Almodovar et on est loin du mauvais film. En fait même son œuvre récente la moins aimée (« Les Amants passagers »), une comédie vaudevillesque un peu poussive, restait du bel ouvrage et se voyait comme une petite récréation. Ici, c’est parfois maladroit, souvent prévisible et pas toujours bien clair dans ce qu’il veut nous dire. Mais on reste dans du grand et beau cinéma, juste un tantinet en dessous de ce à quoi il nous a habitué. Et loin de la maestria de son dernier film par exemple, le passionnant « Douleur et gloire ». Pénélope Cruz porte le film sur ses frêles épaules avec la grâce et la détermination qu’on lui connaît. D’ailleurs on ne voit qu’elle et l’actrice écrase le reste du casting. On adore le débit des dialogues toujours affûtés et les couleurs chatoyantes et chaudes des décors sont un régal pour les yeux. On ne peut pas dire non plus que l’on s’ennuie et que l’on voit le temps passer, le montage étant assez alerte pour ne pas sombrer dans la torpeur. En revanche, l’histoire convainc moins et Almodovar n’innove pas vraiment avec ce script attendu et pas toujours crédible.
En effet, le mélange entre la grande et la petite histoire ne prend pas. Et s’il est louable de vouloir parler du passé de l’Espagne à travers les réminiscences du franquisme et de ses fantômes, cela se mêle très mal à cette histoire de mères parallèles. Le tout dernier quart apparaît donc forcé. Et que dire de cette romance lesbienne totalement inutile et peu approfondie en milieu de film. Quant au cœur du sujet, l’échange de bébé, on le voit venir à mille lieux et cela a déjà été vu ailleurs en mieux, même dans des comédies (« La vie est un long fleuve tranquille » pour prendre le plus célèbre). De plus, l’émotion n’est pas au rendez-vous comme attendu et il y a des facilités et des coïncidences dans le scénario bien trop heureuses. Mais « Madres Paralelas » reste du Almodovar et le caractère unique de ses œuvres ne peut laisser indifférent si l’on est client. On prend donc un plaisir mitigé mais bien présent en attendant la prochaine claque émotionnelle qu’il va nous concocter de manière certaine.
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