Il s’agit d’une adaptation libre du roman « Martin Eden » (1909) de Jack LONDON (1876-1916) et dont il existe déjà 4 versions cinématographiques dont les plus connues sont celles de Sidney Salkow (1942) et de Pietro Marcello (2019) qui elle, se déroule à Naples (et non en Californie comme dans le roman). Arnold de Parscau a fait le (bon) choix de garder la trame d’origine (ascension d’un autodidacte qui croit en son talent et tombe amoureux d’une jeune femme qui n’est pas de son milieu) mais en la transposant à Bali et dans le monde de la musique. Le film s’intéresse moins aux rapports de classe sociale et sous un autre angle, celui des expatriés européens et des balinais réduits aux tâches subalternes (taxi, jardinier, serveur). La romance entre Margaux (Dorcas COPPIN, à la beauté préraphaélite), étudiante pianiste et Eka (Hari SANTIKA), pécheur et vivant chez sa sœur mariée) reste conventionnelle mais il est difficile d’innover sur un tel sujet, tellement traité au théâtre (intrigue de nombreuses pièces de Molière) qu’au cinéma mais les deux acteurs, par leur courte expérience, apportent beaucoup de fraicheur et de sincérité à leurs personnages. La déception amoureuse constitue l’un des thèmes du film, aussi fort que la reconnaissance décalée dans le temps du talent musical d’Eka (
ce qui ne le satisfait pas car il estime n’avoir pas changé et qu’il s’ennuie, seul et sans amis
). Le tournage à Bali évite les clichés de cartes postales, malgré une belle photographie et les deux scènes de combat de coqs et de danse balinaise qui ont leur intérêt scénaristique. On y retrouve bien l’ambiance des expatriés (français), au comportement néocolonialiste et pratiquant l’entre soi. Sans oublier que les personnages vivent où l’Occident n’est plus le centre du monde : Eka cherche à faire produire sa musique en Australie. Les références musicales sont bien choisies, telles que « Le Trio élégiaque n°1 » de Sergueï Rachmaninov, composé à 19 ans et « Une barque sur l’océan » (1906), 3e morceau (sur 5) pour piano de la composition « Les miroirs » de Maurice RAVEL et dédié au peintre Paul Sordes. Outre le titre du film, c’en est aussi la dernière image.