Education sentimentale
Je passerai rapidement sur le plus que poussif Les filles du soleil en 2018, pour ne retenir d’Eva Husson que le très intéressant Bang Gang de 2015. Déjà, le sujet central en était le sexe et ses limites. Avec ses nouvelles 104 minutes, la réalisatrice française va planer sa caméra dans l’Angleterre des années 20. Femme de chambre chez un couple d'aristocrates, Jane fréquente secrètement Paul, le fils des propriétaires du manoir voisin. Instinctivement, Jane sait que leur différence de milieu, et le futur mariage de Paul avec une autre, vouent leur liaison passionnée à l'échec. Elle se raccroche alors à ces étreintes dérobées comme à autant de futurs souvenirs destinés à nourrir sa plume d'écrivaine en devenir. Le résultat de ce drame romantique est esthétiquement très réussi mais aussi d’un ennui insondable. Une fois de plus le fond et la forme ne sont pas en accord.
Ce récit est surtout profondément prétentieux. Le roman de Graham Swift, Le dimanche des mères, dont ce film est inspiré, a reçu des critiques élogieuses lors de sa parution en 2016. Une fois de plus, force est de constater qu’un bon bouquin ne fait pas forcément un bon film. Ici, tout est très beau, chaque image est composée avec soin – trop sans doute -, chaque bouquet de fleurs, chaque objet, chaque scène, chaque cm2 de peau, chaque paysage, rien n’est laissé au hasard, ce n’est plus du raffinement mais de l’affèterie, du maniérisme. Comme en plus, les dialogues littéraires sont ampoulés comme rarement, si l’œil est satisfait, le cœur et l’esprit beaucoup moins. Ce film suinte un ennui distingué, so british en somme ! Pour couronner le tout, on a cru bon de nous infliger un récit non chronologique, ce qu’on appelle pompeusement une structure temporelle non-linéaire – on est snob ou on ne l’est pas -, ce qui n’apporte rien au film. Eh bien sûr, aucun rythme… ou plutôt si, mais tellement languissant que l’intrigue semble souvent faire du surplace. De toute façon, on peine trop à comprendre comment Jane nourrit son talent d’écrivaine à travers ses amours ancillaires. Je l’ai dit, beau, trop lent et bancal.
Bien sûr, au vu du casting où figurent Colin Firth, Olivia Coleman et Glenda Jackson, - pour un très court moment que je n’ai d’ailleurs pas compris -, on se dit, « régal assuré »… Même pas, tout ce petit monde semble s’ennuyer ferme et ne pas trop savoir ce qu’ils font là. Les deux héros, Odessa Young et Josh O'Connor, sont très beaux et… que très beaux. Ecriture, sexe et cinéma ne font pas ici très bon ménage. Dommage, j’aurai bien voulu aimer ce film évitable.