Une silhouette gracile se détache sur les rochers d’une plage déserte. Il s’agit d’une jeune fille nommée Vika, lors de son "dernier jour de vacances" (traduction du titre original) chez son grand-père, un modeste pêcheur. Elle tient à la main un étrange cor de chasse qui lui donne des airs de Néréide. Elle l’utilise parfois en regardant le large - s’adresse-t-elle aux vents, aux nuages, aux dauphins qui osent s’aventurer près des récifs ? Vika fait corps avec la nature sauvage qui l’entoure. Elle aime se baigner nue dans la mer calme, écouter le bruit des vagues dans les conques ou encore se perdre dans les reliefs montagneux qui bordent l’océan - et qui évoquent étrangement L’Avventura (Michelangelo Antonioni, 1961). Mais Vika n’est pas une divinité grecque. C’est une enfant. Et à sa façon de se mouvoir dans la lumière éblouissante du jour, à l’amitié qu’elle tisse avec Romas, un jeune garçon qu’elle rencontre sur la plage, Vika pourrait même représenter la quintessence de l’enfance.
C’est en tout cas l’impression qui domine à la vue de ce film injustement méconnu. Arunas Zebriunas, cinéaste lituanien, capte avec beaucoup de justesse les vicissitudes de ce moment de l’existence, l’enfance, comme l’ont fait avant et après lui des cinéastes tels que Kiarostami, Truffaut ou Ozu. Vika et Romas ne servent pas de faire-valoir à des personnages adultes davantage au cœur du récit (les adultes ont ici des rôles tout à fait secondaires). Ils ne sont pas non plus au service d’une intrigue dont l’intérêt serait supérieur. Et s’ils suscitent l’émotion, ce n’est pas en tant que simple catalyseur mais comme personnages à part entière. Leur naturel, leur présence à l’image, ils la doivent à la façon dont Zebriunas s’est mis, selon la formule consacrée, "à leur hauteur", donnant toute la mesure à ce qui caractérise leur âge : un imaginaire foisonnant, un besoin de bouger son corps dans la plus grande liberté, une aspiration à des amitiés solides et sincères - de celles qui font se partager des secrets.
Et s’il est bien question d’un écho, si celui-ci est bien au centre de la relation entre Vika et Romas -
"Essaie de l’attraper !" lui lance-t-elle avant de le quitter alors que celui-ci tente de se racheter
-, l’écho se fait également dans le cœur du spectateur qui n’aura pas oublié qu’il a, lui aussi, traversé cette période de la vie qui semble tout déterminer, l’enfance. Ainsi, dans la temporalité toute particulière du film, où les enjeux dramatiques se concentrent sur une seule et ultime journée de vacances, le spectateur est invité à regarder cette évocation d’un âge révolu comme il se plongerait dans les photos d’un vieil album de famille. La Jeune fille fait donc écho aux instants de bonheur fugaces mais profondément ancrés, aux regrets aussi et ces rendez-vous qu’on aura peut-être manqués, aux blessures enfantines devenues douces avec les années. Vika ou l’allégorie d’une enfance si loin, si proche, à jamais perdue. Parfum de mélancolie au son du continuel ressac et du vent sur les galets.