L'affaire s'inscrit précisément dans le temps du premier mandat de Mitterrand, de l'euphorie du 10-Mai à la réélection, 7 ans plus tard. Ce qui permet notamment de laisser les personnages cloper avec enthousiasme, en tous lieux et tout temps (la loi Évin date de 1991)... La figure centrale est "Élisabeth" (fin de quarantaine/début de cinquantaine). Apathico-chlorotique, à l'exposé - ce qui se conçoit, puisque d'une part elle vient d'être quittée par son mari après de longues années de vie commune et deux rejetons ados, "Judith" et "Mathias", épisode singulièrement douloureux car suivant de peu un cancer du sein, avec mastectomie partielle, et parce que, d'autre part, le rôle est tenu par une Charlotte Gainsbourg, fidèle à son naturel maigrichon.
L'histoire, cependant, est celle du (réa)pprentissage de la dame, occupée à étoffer son CV,
grâce à la tenue du standard de la "causerie" nocturne assurée sur le service public radiophonique par "Wanda" (alias Emmanuelle Béart, la cinquantaine bec-de-canard) - toute ressemblance avec une certaine Macha B. ne devant rien au hasard, puis à un emploi à temps partiel de jour à la Bibliothèque Beaugrenelle (le tout à proximité de la tour où elle habite - avec vue panoramique sur Paris - ce qui ne gâte rien, évidemment...). Elle exercera ses talents de psychologue (diplômée, sans pratique antérieure - pour cause d'emploi de mère de famille jusque-là) dans l'emploi A, et (re)trouvera l'amour (avec un petit jeune) dans l'emploi B. Par ailleurs, elle s'occupera de la jeune "Christine" (qui s'est rebaptisée "Talulah" - tellement plus "chic", non ?) à la rue depuis ses 15 ans, en sus de sa progéniture : un garçon qui se rêve en écrivain, et une fille en "révolutionnaire".
Le fond de l'affaire ne brille donc pas par la fraîcheur de l'inspiration - comme on peut le constater, mais... le récit est bien mené, la reconstitution "historique" soignée (jusqu'au rendu de l'image, très années 80, au grain), et le naturel languide de Mlle Gainsbourg bien exploité. Pas mal, ce "Les Passagers de la nuit" (écrit et réalisé par Mikhaël Hers) !