Les vingt premières minutes du film sont prometteuses… avènement de l’ère Mitterrand, monde de la radio la nuit… Gainsbourg et Béart… tout cela partait bien…
Mais le cinéaste ne creuse aucun sujet ; la politique est une sorte de petite musique de fond, avec la fille de Charlotte Gainsbourg en militante qui ne polémique jamais ; le seul évènement notable à la radio est l’appel d’un maniaque sexuel… Tout est effleuré, superficiel, à l’image des personnages, auxquels on aimerait s’intéresser, mais dont on se lasse si rapidement, tant leur trajectoire est prévisible, tant ils sont dépourvus d’originalité.
Lorsque l’on croit en apprendre davantage sur eux (« ce type t’a appelée Christine ? », attention alerte suspense), c’est un leurre ; sous couvert de garder le mystère, le propos n’est jamais abouti.
Le personnage de Talulah est fabriqué, artificiel, on veut à tout prix et par tous les moyens faire flotter un halo énigmatique autour de cette pauvre fille « c’est un prénom inventé Talulah ? » (et rebelote, on coupe entièrement la séquence radio où elle est censée raconter sa vie).
Tout est là pour créer « une ambiance », pour jouer sur la nostalgie d’une époque auprès de ceux qui l’ont connue, mais un film ne peut se résumer à une ambiance : lorsque l’on se réclame aussi ouvertement de Rohmer, il faut avoir le goût des dialogues !
Ceux des Passagers de la nuit sont tristement attendus, sans saveur, sans humour, sorte de choucroute garnie de bons sentiments (« tu as l’air d’un petit oiseau » ; « elle me touche moi, cette gamine » ; « tu es à la fois forte et fragile » (ou quelque chose d’approchant) ; jusqu’au bouquet final où les quatre protagonistes se font un câlin sur « Et si tu n’existais pas » « C’est le rituel quand Maman fait de la crème renversée, on écoute Joe Dassin… » On a bien envie de leur renverser leur crème sur le crâne et de fuir au plus vite pour éviter l’indigestion.
Le cinéaste tient à nous expliquer ce que l’on doit ressentir, à nous dicter nos émotions, à nous prévenir : attention, séquence poésie ! Séquence larmes ! Séquence chien battu !
Pour pallier l’absence de scenario, M. Hers entrecoupe ses séquences de bribes d’images documentaires esthétisante des années 80, y va à grands coups de traversées de Paris en scooter, furieusement cliché, interrompt les échanges entre les personnages qui n’achèvent pas leurs phrases, pour donner sans doute une impression de naturel, de spontanéité, qui ne fonctionne pas.
Ca se veut éthéré et poétique, c’est empesé et prétentieux. On tombe dans tout ce que ne doit pas être le cinéma.