Ah, ce qu'on ne ferait pas, par amour... Louis Garrel l'a bien compris, et nous offre un film de braquage qui tourne au film de bras cassés, et franchement, on préfère. Ces personnages maladroits, gueulards en apparence mais incroyablement attachés les uns aux autres, on les faits siens en deux secondes, et l'on croit immédiatement en chaque rôle écrit sur mesure (non ?). Roschdy Zem est à l'aise en dur au grand cœur, Louis Garrel est hilarant en employé d'aquarium devenu braqueur amateur complètement inadapté à ce plan digne d'un Ocean's Eleven, et Noémie Merlant, comme à son habitude, survole l'exercice (à chaque rôle, aussi différent soit-il du précédent et du prochain, elle nous stupéfait). On se l'avoue, le braquage met du temps à pointer le bout de son nez, et la réalisation de Garrel n'est pas parfaite (le montage est assez raté surtout à la fin du film, et comme dans La Croisade, Garrel n'évite pas les bons sentiments un peu naïfs), mais on s'en fiche un peu, le réalisateur ayant l'intelligence de nous intéresser à autre chose : à ses personnages et à leur histoire. On termine L'Innocent en ayant un peu l'impression de les connaître, et surtout en ayant bien rigolé dans quelques scènes particulièrement bien trouvées : celle de l'improvisation au restoroute est brillante (surtout dans les jeux entre Garrel et Merlant, qui doivent jouer un couple qui surjouent, en ne donnant jamais l'air eux-même de caricaturer : mission risquée, pari réussi) et notre préférée restant le ralenti de la camionnette, qui se passe de dialogues et laisse les visages parler pour les acteurs, résultat : on se fend la poire sur toute la durée de la scène. Ajoutons à cela une fin mignonne, une morale de
"l'innocence" pour le personnage principal qui a fait une grosse bêtise par amour
qui nous fait encore plus fondre, et enfin une dédicace à la maman et à l'enfant de Garrel qui nous a achevé dans la douceur (on est sorti avec un sourire niais). Que l'on repense à la scène de la camionnette au ralenti et l'on rit de nouveau (ces tronches...), que l'on repense à ces personnages attachants et l'on fond. Vraiment, L'Innocent n'a pas une réalisation impeccable, mais il dégaine tant de sincérité et de charme, qu'on ne retient pas les charges. Acquitté avec plaisir.