The Sacred Spirit emprunte son titre à l’album de chants et de danses des Indiens d’Amérique, dont la pochette est d’ailleurs visible lorsque José Manuel inventorie les affaires contenues dans la boîte à archive du mentor disparu ; notons d’ailleurs que l’une des pistes musicales, « Yeha Noha », est jouée lors du générique de fin. Une telle référence insère le film dans un dialogue permanent avec ce qui n’est plus là, avec ce que les personnages nomment « l’esprit » d’un être cher ou d’une culture tout entière qu’il s’agirait de ramener à la vie par l’étude croisée de différents phénomènes paranormaux.
Il y a donc, au cœur du récit, la question de l’Histoire traitée par un biais fantastique et réaliste, en témoigne l’attention portée à la parole des personnages, à la relation qui unit les anciens avec les autres générations, donnant lieu à d’amusants portraits de famille. Se diffuse une sorte de réalisme magique, que le réalisateur fait évoluer en permanence : l’ufologie sert de terreau à un imaginaire essentiellement hollywoodien – avec une référence marquée à John Carpenter, mobilisant ses nappes électroniques qui accompagne la marche de José Manuel – qui pourtant s’exporte en Espagne, dans un espace commercial qui s’affiche aux couleurs de l’Égypte antique. Au fil de ses plans, le film dissémine quantité de symboles répartis dans l’espace public et construit ainsi un espace paranoïaque au sein duquel les théories vont bon train. Le mouvement constant, celui des corps dans divers décors, s’observe également dans les registres, puisqu’à la comédie succède un thriller particulièrement glaçant, qu’à l’approche néoréaliste s’oppose une esthétisation accrue mobilisant des installations d’art contemporain.
The Sacred Spirit creuse en profondeur la notion de sacralité pour mieux en exhumer ses desseins cachés, en l’occurrence la pédopornographie et le commerce illégal d’organes ; il croise les spiritualités (amérindiennes, égyptienne, voyance etc.) et les dégrade en château gonflable, subterfuge utilisé afin d’attirer les enfants et d’endoctriner l’entourage parental. Chema García Ibarra glisse de la réalité à la fiction, de la vérité à sa diffusion lénifiante par des médias comme l’atteste une belle transition depuis l’appartement de la mère désolée (émotion véritable) vers la salle de restauration de José Manuel (émotion factice, reconstituée). L’ésotérisme comme emprise des plus faibles (enfants, vieillards), l’hégémonie des besoins du corps sous le prétexte de l’esprit. Un grand film.