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Julien Chevillard
172 abonnés
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4,0
Publiée le 18 juin 2022
Coproduction conjointe Espagne-France-Turquie, le film a été produit par Apellániz & De Sosa et Jaibo Films aux côtés de La Fábrica Nocturna Cinèma et Teferruat Films, avec la participation de Movistar+, À Punt Mèdia [es], RTVE et TRT, soutien et aide de l’IVC, de l’ICAA, du ministère turc de la Culture et du Tourisme, du CNC Cinéma du Monde et d’Eurimages. Le tournage a débuté le 12 octobre 2020 à Elche Le Sacré-Esprit a été présenté en première mondiale au 74e Festival du film de Locarno (LFF) le 10 août 2021 Le film a également été présenté en octobre 2021 au Festival du film espagnol de Toulouse et le 8 novembre 2021 au 18e Festival du film européen de Séville (SEFF). Distribué par La Aventura, il est sorti en salles en Espagne le 26 novembre 2021
Chema García Ibarra, qui a toujours aimé tourner là où personne n'est allé filmer, prend son village comme décor pour un film principalement composé d'acteurs non professionnel avec des membres de sa famille et de son entourage. Il se sert également de la véritable présence d'amateurs d'ufologies chez lui pour en faire la base de son histoire. Il dresse le portrait d'une communauté de passionnés d'OVNI qui ont perdu leur gourou en plus de s'intéresser à l'enquête sur la disparition d'une petite fille. Il s'agit d'une petite comédie étrange ou peut-être inquiétante en fonction de la façon dont on perçoit le comportement de ces gens bizarres, mais c'est surtout au niveau du ton que le film est particulier. Ce que l'on voit est vraiment drôle ? J'ai trouvé ça froid, distant et terne. Bref, un OFNI pas fait pour moi que j'ai trouvé ennuyeux et insipide.
Annoncé à la fois comme un drame, une comédie et une œuvre de science-fiction, L'esprit sacré est avant tout un objet étrange dont les protagonistes semblent évoluer dans une réalité décalée et plutôt inquiétante, et ce n'est pas la révélation finale qui adoucira cette impression. Qu'un groupuscule d'ufologues y soit au premier plan n'est pas qu'anecdotique, OVNI soit qui mal y pense, pas plus que l'accent mis sur la disparition d'une fillette dans la petite ville espagnole d'Elche, non loin d'Alicante. Si l'on rit assez souvent durant la projection de L'esprit sacré, c'est davantage par gêne, car il y a quelque chose d'anormal dans le déroulement de l'intrigue, un vice caché quelque part, qui expliquerait notamment l'omniprésence des télévisions allumées sur une information locale qui passe allègrement du glauque ou festif, sans aucune transition. Il est parfois délicieux au cinéma de se laisser embarquer là où l'on ne souhaite pas aller mais le faux rythme du film et sa volonté de taire le fond de l'histoire jusqu'aux dernières minutes ne suscitent guère l'adhésion et renforcent plutôt la méfiance vis-à-vis d'une manipulation un peu trop malsaine. Le film se veut plus malin que ceux qui le regardent mais sa conclusion, cynique à souhait, contribue à laisser sur un sentiment de malaise profond.
La petite ville d'Elche en Espagne est traumatisée par la disparition de la jeune Vanessa. Pendant ce temps, l'association UFO-Levante, qui réunit quelques ufologues déjantés, organise la succession de son leader, Julio, qui vient de décéder brutalement. José Manuel, l'oncle de Vanessa, un membre actif d'UFO-Levante, entend mener à bien avec Veronica, la sœur jumelle de Vanessa, l'entreprise engagée par Julio.
"L'Esprit sacré" est un film déconcertant. Son thème pourrait laisser augurer une comédie loufoque mettant en scène quelques cinglés pas franchement sympathiques unis par des croyances insensées. Mais le film prend une autre voie plus déroutante. À la comédie, il préfère la tragédie. À l'ambiance joyeusement décalée, il préfère installer lentement un malaise qui culminera dans la révélation qui accompagnera l'épilogue tristement pressenti.
Ce malaise n'a rien de très agréable. D'autant qu'il s'étire interminablement sans que rien dans le scénario ne vienne en relancer le rythme. Il n'a rien de très intéressant non plus. Qu'apprend-on sur le conspirationnisme ? sur la surmédiatisation ? Les cinq paumés d'UFO-Levante auraient pu être drôles. Ils ne le sont pas. Ils auraient pu être touchants. Ils ne le sont pas non plus. Ces minables, à commencer par le premier d'entre eux, José Manuel, qui semblent dépourvus de tout sens moral, sont tout bonnement détestables. Et avec eux ce film dont on peine à comprendre l'objet.
Un premier long-métrage original, qui laisse une impression assez forte, en dépit d’un cœur de film flottant. Au début, malgré l’annonce de la disparition d’une fillette, c’est une tonalité comique qui s’installe, en mode décalé ou pince-sans-rire, autour de croyances paranormales. Dialogues amusants. Savoureux sens du cadre. C’est gentiment farfelu. Et puis, des éléments plus troublants sont distillés ici et là, tout en maintenant la même veine comique. Un malaise se crée. On ne sait plus trop s’il faut rire de tout cela ou s’en inquiéter ; on ne sait plus trop si le parti pris dominant est à la dérision ou au sérieux. Le film patine en dégageant ce sentiment d’indécision, sentiment inconfortable et un peu lassant le temps qu’il dure, parce qu’il fait se demander si le réalisateur ne s’est pas perdu en route. Heureusement, dans la dernière partie, les pièces du puzzle s’assemblent, laissant apparaître un dessin (et un dessein) à la fois terrible et pathétique. Excellent dénouement, minimaliste et sombrement impactant. Avec un bon choix musical.
The Sacred Spirit emprunte son titre à l’album de chants et de danses des Indiens d’Amérique, dont la pochette est d’ailleurs visible lorsque José Manuel inventorie les affaires contenues dans la boîte à archive du mentor disparu ; notons d’ailleurs que l’une des pistes musicales, « Yeha Noha », est jouée lors du générique de fin. Une telle référence insère le film dans un dialogue permanent avec ce qui n’est plus là, avec ce que les personnages nomment « l’esprit » d’un être cher ou d’une culture tout entière qu’il s’agirait de ramener à la vie par l’étude croisée de différents phénomènes paranormaux. Il y a donc, au cœur du récit, la question de l’Histoire traitée par un biais fantastique et réaliste, en témoigne l’attention portée à la parole des personnages, à la relation qui unit les anciens avec les autres générations, donnant lieu à d’amusants portraits de famille. Se diffuse une sorte de réalisme magique, que le réalisateur fait évoluer en permanence : l’ufologie sert de terreau à un imaginaire essentiellement hollywoodien – avec une référence marquée à John Carpenter, mobilisant ses nappes électroniques qui accompagne la marche de José Manuel – qui pourtant s’exporte en Espagne, dans un espace commercial qui s’affiche aux couleurs de l’Égypte antique. Au fil de ses plans, le film dissémine quantité de symboles répartis dans l’espace public et construit ainsi un espace paranoïaque au sein duquel les théories vont bon train. Le mouvement constant, celui des corps dans divers décors, s’observe également dans les registres, puisqu’à la comédie succède un thriller particulièrement glaçant, qu’à l’approche néoréaliste s’oppose une esthétisation accrue mobilisant des installations d’art contemporain. The Sacred Spirit creuse en profondeur la notion de sacralité pour mieux en exhumer ses desseins cachés, en l’occurrence la pédopornographie et le commerce illégal d’organes ; il croise les spiritualités (amérindiennes, égyptienne, voyance etc.) et les dégrade en château gonflable, subterfuge utilisé afin d’attirer les enfants et d’endoctriner l’entourage parental. Chema García Ibarra glisse de la réalité à la fiction, de la vérité à sa diffusion lénifiante par des médias comme l’atteste une belle transition depuis l’appartement de la mère désolée (émotion véritable) vers la salle de restauration de José Manuel (émotion factice, reconstituée). L’ésotérisme comme emprise des plus faibles (enfants, vieillards), l’hégémonie des besoins du corps sous le prétexte de l’esprit. Un grand film.