Le cinéma occidental regorge de tueurs en série depuis « M le maudit » (1931) de Fritz Lang. L’intérêt du film, inspiré de faits réels, réside dans son déroulement en Iran, théocratie chiite, après les attentats du 11 septembre 2001, dans la ville sainte de Mashhad (20 millions de pèlerins annuels), à 900 km de Téhéran, dans le nord-est du pays, près de la frontière avec le Turkménistan. Très vite, on connait le coupable (Medhi BAJESTANI qui a surtout une carrière théâtrale), un maçon de 46 ans, père d’un garçon et d’une fillette et qui tue par strangulation les prostituées (au nombre de 200 selon lui) autour du mausolée (plus grande mosquée d’Iran) du 8e imam chiite, Ali Al-Reza, mort empoisonné en 818 (le chiisme duodécimain, majoritaire en Iran et religion d’Etat depuis 1979, compte 12 imams, le 1er étant Ali, oncle et gendre de Mahomet). Le second personnage principal est une journaliste célibataire Rahimi (Zahra AMIR EBRAHIMI qui a obtenu le prix d’interprétation féminine pour ce rôle au festival de Cannes alors que la prestation de Medhi Bajestani est tout aussi remarquable), inflexible sur ses droits, qui enquête sur les crimes du tueur araignée (d’où le titre anglophone « Holy spider », l’araignée sacrée ou sainte). Cela permet de montrer le machisme et l’aliénation de la société iranienne (port du hijab, pas de femme seule dans les hôtels, drague lourde de la part des hommes, flics ou collègues, considérant toute célibataire comme une femme facile, etc.). Bien sûr, le régime iranien (le tournage s’est déroulé en Jordanie) n’est pas épargné [on retrouve l’ambiance, peut-être, moins poisseuse du film du Danois d’origine égyptienne, Tarik Saleh « Le Caire Confidentiel » (2017) où c’est plus la corruption du régime qui était montrée du doigt, juste avant la chute du président Hosni Moubarak] : les assassinats de prostituées arrangent bien les autorités qui ne débordent pas de zèle pour trouver le coupable même si un procureur explique à la journaliste qu’il n’y a pas de fatwa concernant l’élimination des prostituées à Mashhad car les femmes se prostituent en raison de leur pauvreté, qu’il faut combattre. Le tueur, sans regrets, ni remords, estime faire le djihad contre le vice en tuant les femmes impures. La justice n’est d’ailleurs pas complaisante à son égard (malgré le soutien de la population locale au maçon)
puisqu’il sera condamné à mort par pendaison pour 12 meurtres (sur 16 commis)
. Outre un scénario bien construit (terrifiantes images finales montrant l’aliénation du fils), sans temps mort et renforcé par une musique angoissante et oppressante du Danois Martin DIRKOV (3e collaboration avec le réalisateur), le film évoque aussi le traumatisme qu’a subi l’Iran (au moins 300 à 500 000 morts) suite à la guerre (1980-1988) avec l’Irak (qui a envahi l’Iran, juste après l’arrivée au pouvoir de l’imam Khomeiny) et la solidarité qui s’est créée chez les anciens combattants.