On ressort du nouveau film de Ari Aster divisé, partagé entre des émotions contradictoires, sans savoir si Beau is Afraid tient du génie absolu ou du ratage complet. Si j'ai choisi de le placer dans la 1ère catégorie, c'est parce qu'il y a une chose qu'on doit reconnaître, qu'on aime ou pas l'œuvre : Ari Aster nous offre du quasiment jamais-vu, va au bout de ses obsessions et angoisses, déjà explorées dans ses films précédents, du propos de son film, de son délire, quitte à se mettre tous les spectateurs à dos dans la scène finale, la plus excessive, la plus grotesque, la plus cruelle de toute, dans un film qui l'est pourtant infiniment.
Excessif, Beau is Afraid l'est, et c'est bien ce qui divise. À bas la finesse et les préparatifs, on plonge dans le bain tout habillé et sans avoir vérifié l'eau avant. Grotesque, il l'est jusque dans ses moments d'horreur absolue et surtout dans ces moments là (la première partie est absolument dingue) , et c'est pourquoi le film est si cruel, il n'offre pas d'échappatoire à son personnage, pas de happy end ni de repos possible.
Ainsi, à chaque fois que Beau pense trouver un moment de repos, c'est pour mieux continuer la course, encore et toujours.
Le génie d'Ari Aster tient finalement à ce que son œuvre soit aussi excessive, aussi démonstrative, et qu'elle arrive pourtant si bien et toujours à nous surprendre, à nous perdre. On ne sait jamais qui de Beau ou du monde qui l'entoure est le plus cinglé, on ne sait jamais qui de lui ou de sa mère est le plus égoïste, le plus hypocrite, et toutes les interprétations sont possibles. À celui qui a vu ses deux premiers longs-métrages, Ari Aster tendra des perches (l'arrivée dans la forêt, qui rappelle Midsommar), qu'il retirera aussitôt pour mieux bousculer ensuite tout le monde, et au final, il n'y a pas plus "astérien", dans les obsessions, dans l'horreur glaçante et malaisante, et pourtant grotesque, dans l'efficacité redoutable du montage et du cadrage, que Beau is Afraid.
Et c'est finalement ce qu'on retient de Beau, qui semble être, à trois longs-métrages seulement, un accomplissement dans le cinéma d'Aster, à tel point qu'on se demande si il arrivera à se renouveler alors que son prochain film, toujours avec Joaquin Phoenix, est déjà teasé. Après être passé maître du film d'horreur avec Hérédité, avoir transcendé et renouvelé le genre avec brio dans Midsommar, Aster nous offre une œuvre radicale, sans compromis, inclassable.
Qu'on aime ou pas Beau is Afraid, on ne peut reconnaître que l'œuvre est déconcertante, que c'est une des propositions de cinéma les plus stimulantes et originales de ces dernières années, et je ne vois pas comment on pourrait s'ennuyer pendant ces 3h de cinéma, qui nous propose tellement de choses en un film qu'on croirait en voir plusieurs à la fois. On doit reconnaître aussi une science de la réalisation et du montage remarquable, un casting 5 étoiles, et une scène d'animation proprement hallucinante.