Avec Les Affluents, Jessé Miceli voulait rendre compte (via ces trois parcours au centre du film) de ce qu'il pouvait observer au Cambodge, à savoir l’émergence d’un nouveau monde et la disparition d’un autre par la même avec le boom de l’urbanisation. Le metteur en scène développe :
"Ce qui m’intéressait, à partir de ce constat, était de documenter ce moment de transformation, d’exode urbain, de naissance de nouvelles villes, et aussi la nécessité d’adaptation de la jeunesse cambodgienne à ce nouvel environnement."
"Ce devait être réaliste, d’où l’aspect documentaire. Je voulais suivre mes personnages, être proches d’eux, c’est pourquoi il y a beaucoup de caméra épaule par exemple. Je voulais vraiment les accompagner dans leur voyage au cœur de cette mutation du territoire."
"Le Cambodge est un pays qui se reconstruit, un peu comme un jeune. Il y a quelque chose à Phnom Penh qui me faisait penser à un adolescent. Il y a quelque chose de disgracieux dans cette croissance extrêmement rapide mais à partir de là j’aime penser que tout est possible."
Les acteurs du film sont non-professionnels. Hormis pour Phearum Eang, que Jessé Miceli connaissait, le cinéaste a trouvé les autres via un casting qu'il a effectué en cherchant autour de lui. Il se rappelle :
"C’est après, grâce à des rencontres, des mises en relation, que j’ai trouvé les jeunes hommes qui me semblaient dégager de façon la plus évidente ce que je pensais des personnages écrits. Ce sont trois figures, trois façons de se confronter à l’injonction d’adaptation à un monde difficile, de plus en plus grand et violent. Je montre ce qui existe."
"Dans un pays tourné entièrement vers le consumérisme, tout est produit, tout peut être vendu, notamment le corps. Beaucoup de petits boulots auxquels les jeunes gens ont accès sont des métiers où l’on gagne sa vie au jour le jour."
Les Affluents a été sélectionné dans les festivals suivants :
- Festival de Cannes - Sélection ACID
- Festival International du Film de Busan
- Festival "Visions du réel" de Nyon
- Seoul International Pride Film Festival
Le Cambodge est un pays qui passionne Jessé Miceli : "Au départ, il y avait un scénario sous la forme d’une ossature et ensuite on a travaillé l’intérieur de chaque scène avec les comédiens pour qu’ils s’approprient la langue, pour qu’ils proposent un langage corporel aussi pour les personnages qu’ils incarnent. Tout cela a nourri le projet de départ, et on a été porté par l’évolution de ce qu’il se passait sur place pendant le tournage."
"Sur les 19 jours, non consécutifs, on a travaillé selon les disponibilités, les personnes qui nous accompagnaient, et les lieux dans lesquels on voulait tourner. L’idée est de retranscrire comment la population est encore majoritairement rurale."
Pour la musique des Affluents, Jessé Miceli voulait que l’on entende celle que les cambodgiens écoutent réellement. Le réalisateur a ainsi collaboré avec le label Clap Your Hands qui produit beaucoup d’artistes contemporains du Cambodge, avec (souvent) une influence rap US à partir de laquelle ils créent des musiques. Le metteur en scène précise :
"Pour autant, j’aimais beaucoup l’idée de réconcilier ça en extradiégétique, avec des musiques d’un temps disparu, ancien, d’artistes des années 50 et 60 éliminés pendant le régime khmer rouge. C'était intéressant pour moi de lier, de recréer une continuité violemment coupée entre ces deux époques par la musique. Comme si les esprits étaient encore là, et chantaient."