Un joli titre pour une œuvre délicatement opaque (Sylwish). Mais titre ô combien adapté ! Les affluents : Songsa, vendeur de vêtements en tuk-tuk ; Phearum, serveur "escort" dans un club gay ; Thy, chauffeur de taxi ; un jeune garçon et deux jeunes hommes qui vivent à (ou aux alentours immédiats de) Phnom Penh et rêvent d'avenir plus luxueux.
On ne peut pas dire qu'ils survivent, ce serait faux ; ils ont des vêtements corrects, des smartphones dernier cri, semblent bien nourris, … mais ils vivent dans une société traditionnelle alors que s'ouvre sous leurs yeux une ville qui se mondialise à grande vitesse.
Cette rencontre de deux mondes ne se fait pas sans heurts, sans confrontation, sans combat, sans violence même (larvée ou franche), ni sans envie, mépris, désillusion, rejet, abus, emprise, réussite, entraide, pardon, soutien, etc. C'est, je pense, ce que veut montrer le réalisateur, avec sensibilité et sincérité, mais maladresse ; illustrer le chaos de cette ville, ses habitants autochtones au mode de vie ancestral, au rythme nonchalant, ses quartiers centenaires, parfois vétustes, … et ses lieux branchés, ses motos vrombissantes, ses touristes, et les nouveaux investisseurs, mais en insistant beaucoup, hélas, sur les facettes négatives. Plus que la précarité de la vie quotidienne des habitants, je pense que le film montre les pertes de repères et d'identité d'une population traditionnaliste et patriarcale confrontée à l'avance invasive d'une mondialisation agressive, inhumaine, égoïste, et clinquante, mais technologique, ludique, permissive, jouissive, qui attire ces jeunes comme la lumière les papillons.
Les acteurs jouent à peine ; la mise en scène est minimaliste ; la caméra à l'épaule, bien maîtrisée (chose rare), remplit sa fonction, mais l'image est plutôt morne, passée (effet voulu ?!). Le réalisateur s'intéresse au quotidien de ses personnages, mais souvent de façon répétitive, parfois lassante, voire inutilement longuette (scène de volley, de karaoké, etc.). Trop de trous dans le récit, trop d'absences d'explications, trop de non-dits, de scènes abstruses
(après l'accident, les deux jeunes hommes rencontrent le frère du jeune garçon pour régler l'affaire ; mais rien ne se passe ; ils sont tous les quatre autour d'une table, arrivent deux hommes dont on ne sait qui ils sont, qui s'assoient avec eux, personne ne parle. Plan suivant la table est jonchée de bière. Point !!!)
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Quant à la réflexion du comportement, non "des" étrangers, mais de quatre expats, touristes, investisseur (n'oublions pas le Chinois), elle n'est qu'à charge, et beaucoup de ces comportements pourraient être ceux d'indigènes...
que dire de l'attitude du frère de Phearam qui lui soutire cinquante dollars, sachant comment il gagne cet argent
?!
Alors oui, le spectateur se laisse bercer nonchalamment, parfois avec ennui, au rythme lent du film, au fil de ces trois tranches de vie qui finissent par, non pas se rencontrer vraiment, mais se croiser. On souffre un peu du remplissage inutile et des non-dits nébuleux.
J'ai également eu l'impression de regarder un documentaire, et au final je me demande si ce format n'aurait pas été moins abscons.