Déracinés
L’espagnol Ben Sharrock situe son 1er film en Ecosse pour nous parler d’émigré syriens. Magnifiques 104 minutes souvent déroutantes mais qui gagnent à être découvertes. Sur une petite île de pêcheurs en Écosse, un groupe de demandeurs d’asile attend de connaitre son sort. Face à des habitants loufoques et des situations ubuesques, chacun s’accroche à la promesse d’une vie meilleure. Parmi eux se trouve Omar, un jeune musicien syrien, qui transporte où qu’il aille l’instrument légué par son grand-père. Voilà une approche pour le moins originale du problème de l’immigration. Un drame aux accents loufoques, c’est gonflé et pourtant réussi. Un tout petit film qui a tout d’un grand.
1er Prix et Prix du Public au Festival du film britannique à Dinard, ce film est très intriguant par son atmosphère et sa manière de traiter un sujet aussi grave. Après avoir étudié l’arabe et les sciences politiques en premier cycle à l’Université d’Édimbourg, notre réalisateur et scénariste écossais a passé un an en Syrie, en 2009, juste avant que tout ne dérape. Pour tourner un court-métrage, il a séjourné dans des camps en travaillant pour une ONG, et c’est là, dit-il, que j’ai été fasciné par l’impact du statut de réfugié sur l’identité d’une personne. Portant, Limbo, n’est pas un film sur la crise migratoire, mais plutôt sur l’identité d’un jeune homme et la difficulté de ce dernier à en faire le deuil. Dans le monde qui est le nôtre, où l’on vit coincés entre les médias de gauche qui s’apitoient sur le sort des réfugiés, et les médias de droite qui jouent sur la peur en les diabolisant, voilà une histoire qui fait du bien et s’évertue à pulvériser un bon nombre de clichés et d’idées préconçues. Chaleureux, drôle et accessible à tous, ce film rend la crise des réfugiés plus proche de nous et humanise les personnages. Et puis l’atmosphère des îles Uists, dans les Hébrides, offre un écrin somptueux de brume et de paysages désertiques à ce drame pas comme les autres. Subtil, délicat, bourré d’un humour mélancolique parfois proche d’un absurde teinté de surréalisme, voilà un moment rare de cinéma, qu’il faut partager.
Amir El-Masry, star montante britannico-égyptienne, est une véritable révélation. Il est fort bien entouré par Vikash Bhai, Ola Orebiyi, sans oublier la toujours magnifique Sidse Babett Knudsen. On pense parfois à Jacques Tati, à Wes Anderson, à Kaurismäki ou aux tableaux Edward Hooper, durant ce drame à la fois burlesque et amer, mais à coup sûr savoureux. A déguster sans modération.