On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Suzanne Lindon, fille de Sandrine Kiberlain et de Vincent Lindon a coiffé au moins cinq casquettes pour son tout premier film « Seize printemps » : productrice, scénariste, actrice, réalisatrice et chanteuse. On pourrait y ajouter directrice de casting puisqu’elle aurait choisi ses acteurs. Elle a écrit son scénario à quinze ans puis l’a mis en scène cinq ans après. Un film sélectionné à Cannes ! Qui est derrière tout ça ? On peut en effet se poser légitimement la question. Etre fille de Vincent Lindon et de Sandrine Kiberlain, ça aide. Et le fait de baigner dans les relations de papa et de maman comme Thierry Frémaux, ça peut aider aussi. Sans compter tous les circuits de la distribution, promotion et j’en passe. Bref, tant mieux pour elle, je n’ai jamais été jaloux de qui que ce soit. Cependant, je peux comprendre qu’il y ait des hommes et des femmes plus âgés qu’elle, remontés contre les décideurs de l’industrie du cinéma. Ressentir une injustice parce qu’ils galèrent pour monter un premier film qu’ils pensent plus dense que ces « Seize printemps ».
Alors notre Suzanne nous conte l’histoire de… Suzanne âgée de 16 ans qui s’ennuie avec les jeunes de son âge. Elle s’en va séduire un homme de 35 ans comédien de son état. Pourquoi pas. Qu’y a-t-il de scandaleux ?
Suzanne Lindon assume :
« À cet âge-là, elle peut être décisionnaire même quand elle se trouve devant un homme plus vieux qu'elle. C'est elle qui a le pouvoir dans le film : c'est elle qui le voit, elle qui le choisit et qui va amorcer l'histoire d’amour. »
A bien y réfléchir, c’est assez audacieux. Seulement, le minois de Suzanne Lindon qui fait penser à Charlotte Gainsbourg dans « L’effrontée » me fait aussi penser par associations d’idées (au pluriel) à l’esprit provocateur de Serge Gainsbourg entraînant sa fille dans un clip sulfureux et très mal compris par des excités « Lemon Incest » et à Bertrand Blier « Beau-père » qui là, pour le coup, voyait un beau-père (Patrick Dewaere) capituler sous les pulsions sexuelles de sa belle-fille (Ariel Besse), seulement la novice Suzanne ne fait rien de cette audace. Sans lorgner du côté de Bertrand Blier, elle aurait tout de même fait preuve de caractère si ses « Seize printemps » bousculait les codes de la bien pensance. Au lieu de ça, elle nous offre une relation très platonique, « Diabolo menthe » puisque c’est une de ses références a plus de relief que « Seize printemps ».
Là aussi, c’est sans doute assumé. La réalisatrice savait (nous aussi spectateurs, on s’en doutait) que ce caprice amoureux était voué à l’échec. Quoique… La fin reste ouverte.
Après tout, rien ne nous dit vraiment que la relation est terminée
. Suzanne Lindon ne veut pas choquer son auditoire. N’a-t-elle pas déclaré à la presse : « Je suis consciente que 16 ans - 35 ans, c'est grave (…) Rien de grave ne se passe entre eux » rassure toutefois la jeune scénariste. Elle prend soin du spectateur notre Suzanne.
Si « rien de grave ne se passe » je peux en conclure que la relation platonique a pris fin
. Alors ce sourire de fin, n’est peut être rien d’autre qu’une séquence de plus… inutile.
Pourtant, « Seize printemps » provoquera deux polémiques : elle a fait un premier film à 20 ans où elle assume tout, sélectionné à Cannes de surcroît ; et le sujet de son récit flirte avec la pédophilie.
Tout n’est pas à blâmer. La séquence du petit-déjeuner où Suzanne et Raphaël dansent assis à leur table sous un air d’opéra est la seule bonne trouvaille du film. Ce n’est pas grand-chose, ça n’a rien d’exceptionnel, mais cela peut en dire long sur sa capacité à déjouer dans sa mise en scène.
Ce pas de deux traduit une étreinte impossible ou une étreinte interdite
. Suzanne Lindon est de tous les plans, elle introduit la très grande majorité des séquences. L’air de rien, cette Suzanne Lindon fait preuve d’un sacré caractère malgré tout. Elle ne doute de rien. Ça promet.
En résumé, Suzanne Lindon nous pond une histoire qui n’est rien d’autre qu’un journal intime d’une petite bourgeoise en manque de frisson et qui s’ennuie profondément. Certains se laisseront aspirer par cet ennui profond…