C’est à 19 ans que naît une apprentie cinéaste, dont l’imaginaire laisse de la place pour se projeter et nous emmener vers un premier émoi sentimental. Suzanne Lindon préfère sans doute laisser son nom de famille derrière, elle, mais c’est un appuie évident qu’elle assume peu et cela se ressent de bout en bout. La jeune demoiselle, cherchant ses aises et surtout une forme d’indépendance se laisse submerger par une mélancolie, maladroitement interprétée et développée, dans la souche urbaine qu’est Paris, ou plutôt les quelques rues qu’on nous dévoile. Cela peut garantir une certaine sensibilité dans une approche des plus étroite, mais ce ne sera que rarement en la faveur de cette dernière, qui a des difficultés à catalyser l’obsession à l’écran.
Nous avons donc Suzanne, seule dans son envie de grandir trop vite et qui préfère sauter des étapes afin de tutoyer la maturité. Pourquoi ne pas pleinement l’enlacer dans ce cas ? Elle le fait, mais tout en gardant ce point de vue à hauteur d’adulte, qu’elle ne maîtrise pas entièrement, bien qu’un peu d’audace soit le bienvenu. Non pas que ce soit inintéressant, mais il y a quelque chose de creux et naïf dans cette démarche ultra référencée et maintes fois revisitée. Que reste-t-il donc ? En multipliant les tâches, de l’écriture à la réalisation, puis au premier rôle, elle passe à côté d’une forte énergie, qui salue poliment le spectateur dans des scènes dansées. Mais là encore, ce qu’elle recherchait de sensuelle se raidit à vue d’œil et ne fait qu’irriter, au lieu d’émouvoir. La partition de Vincent Delerm, nous revient pourtant en boucle, avec une sincérité et une douceur, qui n’entre jamais en phase avec le jeu ou la mise en scène de la cadette des Lindon.
Quelques idées trébuchent alors dans un tourbillon de peines, propre à l’adolescence, où la caméra ne nous laisse entrevoir que son aspect intemporel. Un foyer pour se recueillir et un monde à explorer, à apprivoiser, tout comme des sentiments, qui offrent une soudaine envie de déguster un diabolo grenadine. Du moins, c’est l’intention de l’œuvre. Lorsque Suzanne regarde dans son reflet, elle s’identifie au personnage d’Arnaud Valois, comédien de théâtre, lassé de se répéter et lassé de remonter sur scène tous les soirs, sans l’espoir de se réinventer. Ne sachant plus endosser le rôle d’un adulte, lui aussi se perd aux abords d’une brasserie. Une relation sucrée se dessine dans la foulée, où les lectures de la jeune femme témoignent d’un désir, celui de rendre hommage, à travers une forme de communication qui perd ses marques. La confusion rentre ainsi en conflit avec des métaphores illisibles ou muettes, chose qui trahit l’ambition d’un scénario, qui tient à peine sur ses pattes.
« Seize Printemps » aurait probablement été plus pertinent dans un format court, afin de cristalliser cet ennui et ce paradoxe existentiel entre deux générations, auxquels nous ne sommes jamais conviés. De même, les « adultes » ne sont jamais réellement sollicités pour leur complexité ou leur regard direct dans une relation, inévitablement toxique et malaisante. Ce n’est plus de l’amour qui est décrit, mais bien une célébration pour un cinéma qui dépasse les intentions d’une réalisatrice, qui recule face à la témérité des sensations.