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Fêtons le cinéma
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2,5
Publiée le 11 avril 2020
Pour son premier film au sein de la maison de production Les Films Jean Epstein fondée par ses soins, le cinéaste se propose d’adapter le roman de même nom écrit par George Sand, soit Mauprat, histoire d’un amour difficile dans un Berry qui porte en lui les germes de la Révolution française à venir. Aussi Epstein se montre-t-il soucieux de respecter l’écriture assez rousseauiste de l’œuvre littéraire et accumule les intertitres pour renseigner sur la parole des protagonistes : il faut à tout prix éviter que le spectateur perde le fil philosophique de l’intrigue, et réduise le canevas à n’être qu’une romance longuette. Ce faisant, le cinéaste obstrue néanmoins la fluidité de son récit et semble refuser – du moins limiter – le pouvoir langagier de l’image qui, à elle seule, aurait suffi à exprimer retournements dramatiques et émotions. Comme le précise Natacha Thiéry dans son article consacré à « La parole dans le cinéma muet », « la parole dans le cinéma muet est indissociable de la situation du corps » et du décor qu’Epstein capte d’ailleurs avec une beauté romantique superbe. Pourtant, les extérieurs n’occupent que peu d’espace, alors que les salons provoquent un sentiment d’étouffement, sans que ce dernier ne soit occasionné par la tension entre le dehors et le dedans. Le corps des personnages, bien que saisi à quelques occasions de façon magnifique, se gagne jamais cette liberté qui conduit les deux amants à résister contre vents et marées. Il y a quelque chose de trop retenu ici, un soin trop didactique porté à l’histoire qui conduit à sacrifier, sur l’autel de la fidélité dans l’adaptation, le parti pris de l’artiste, sa vision. Car Mauprat version 1926 ne s’avère pas vraiment passionnant à suivre, loin s’en faut, et il serait hypocrite de s’extasier devant ce film mineur à la seule considération du nom de son cinéaste génial. Entre ses recherches formelles et esthétiques – pensons à l’ouverture, magnifique – et sa volonté de démocratiser l’art pour en expliquer chaque parcelle de sens, Epstein évacue le trouble et le mystère que le roman sandien exigeait.