Film documentaire saisissant sur la violence institutionnelle : est-elle légitime ? Passe-t-elle du statut « légitime » au statut « légale » ? La frontière est ténue. Le film de David Dufresne se focalise sur la crise des Gilets Jaunes même si en périphérie il rappelle des faits antérieurs : 2005, la crise des banlieues ; la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ; Malik Oussekine. Si on va par là, on peut dérouler tout l’historique du XXème siècle ! La violence policière qui blesse, qui humilie, qui tue. La police est-elle le bras armé de l’Etat en place ? Est-elle le garant de la démocratie ? Sur ce point, pas vraiment, il y a des polices qui sévissent dans des dictatures. Il ne reste plus qu’un point : le bras armé de l’Etat, quel qu’il soit, démocrate ou totalitaire.
Le film nous invite à débattre sur cette violence policière centrée sur les Gilets Jaunes. David Dufresne organise le débat deux par deux ; deux protagonistes, sociologue, avocats, victimes, historiennes, représentants syndicat de police, mamans et même Taha Bouhafs, qui, devant un écran diffusant des images recueillies le plus souvent par des gilets jaunes s’affrontent, philosophent, contestent, pleurent. Comment rester indifférent à cette femme dont la caméra lui mange le visage énumérant la violence verbale de l’Etat ? Comment rester indifférent à ces témoins victimes d’éborgnement ? Comment rester indifférent à cette jeune femme réfugiée dans un Burger King frappée par la police alors qu’elle est au sol et protégée par son « mec » ? Comment rester indifférent face à ces images qui illustrent une violence policière gratuite ?
Plutôt que de parler de violence légitime, légale, n’y aurait-il pas une violence justifiée ? Celle qui répond à une violence subie comme le rapporte un des protagonistes ? Mais là encore, la frontière est ténue. Qui subit la violence ? La police ? Les Gilets Jaunes ? S’il n’est pas difficile de condamner toute forme de violence, il me paraît plus délicat de trancher.
Je ne dis pas que le film de David Dufresne me gêne aux entournures parce que la parole des représentants des forces de l’ordre a été minoritaire - à la décharge du réalisateur, Christophe Castaner aurait refusé à ses fonctionnaires de participer au film -, mais j’ai le sentiment que tout n’a pas été révélé objectivement.
Même si trois représentants de la police et un représentant de la gendarmerie étaient invités au débat, sur vingt-quatre témoins, par évidence, la parole est minoritaire. Comme les images : la violence faite aux policiers étaient minoritaires.
Alors, oui, le film se focalise sur les Gilets Jaunes, pas sur les casseurs qui sont venus se greffer au mouvement.
Mais c’est bien sûr : ce ne sont pas de « vrais Gilets jaunes » !
Idem pour les black blocs !
Tout ce mélange portait des gilets jaunes semant la confusion au point de discréditer l’action légitime des « vrais »Gilets Jaunes. Pourtant, je me souviens d’avoir vu des images, entendu des témoignages insupportables tenus par certains Gilets Jaunes qui justifiaient voire légitimaient la violence faite aux forces de l’ordre, qui légitimaient la dégradation des vitrines, du Fouquet’s, de l’Arc de Triomphe, d’un incendie dans un immeuble bourgeois.
Pas une image de Gilets Jaunes contestant la violence de ces sauvages.
Pour revenir à ces pauvres jeunes gens réfugiés dans un Burger King, matraqués alors qu’ils étaient à terre, criant leur innocence, le journaleux islamo-gauchiste Taha Bouhafs ( sa présence reste douteuse dans ce documentaire) peine à faire reconnaître à Benoît Barret (secrétaire national Alliance Police) que cette violence est purement gratuite. Il aurait été tout aussi objectif de faire admettre à des victimes que certains Gilets Jaunes n’avaient pas à se gargariser des dégradations et violences sur les policiers. Certes, on a vu des gendarmes qui ont été pris à parti alors qu’ils tentaient de reprendre leur moto. C’est tout. Le boxeur a t-il été commenté ? Il suffit de fouiller sur le Net pour voir aussi des policiers molestés à terre par des Gilets Jaunes.
Ce qui peut s’entendre d’un côté ne l’est pas vraiment de l’autre. Est-il possible d’entendre que derrière des policiers à la matraque facile, il y ait aussi des policiers qui craquent, emportés par la rage de leurs collègues, emportés par la fatigue de leur fonction, emportés par la pression de leurs autorités, ivres d’insultes, de provocations physiques (jet de poubelles, de pierres, d’objets divers, dégradation de véhicules). ? Qu’ils subissent aussi une violence qui finit par se justifier.
Voilà ce que je regrette de ne pas avoir vu, entendu.
Toutes les manifestations syndicales depuis des décennies se déroulaient à peu près correctement. Pourquoi celles des Gilets Jaunes se sont rapidement dégradée ?
Cette violence policière a aussi été provoquée par des comportements et discours nauséabonds. Ce n’était pas que de la colère qui manifestait. La haine manifestait aussi. Une haine primaire envers Macron et les forces de l'ordre. Ces forces que l'on encensait durant les attentats. Le discours ne se limitait pas à la hausse de l’essence, à la conviction que Macron les déconsidérait, c’est tout simplement que la figure Macron n’a jamais été acceptée depuis le 14 mai 2017 ; cette crise donnait l’occasion de se défouler, de proférer des propos insupportables sur d’autres identités. Si Macron s’est donné le bâton pour se faire battre à cause de ses nombreuses interventions maladroites, il reste que le ressentiment des Gilets Jaunes regorgeait de motifs odieux.
Sans doute que David Dufresne en avait conscience. Seule cette violence policière exercée avec brutalité durant la crise les Gilets Jaunes constituait l’axe principal à traiter. Pourquoi les Gilets Jaunes généraient-ils autant de violence policière ? Il est vrai, que débarrassé des parasites, harangues nauséeuses, casseurs, black blocs qui gravitaient autour de l’action des Gilets Jaunes, le produit brut s’avère terrifiant. Cependant, même s’il y avait plusieurs points de vue, plusieurs caméras, le documentaire manque un brin d’objectivité. Normal, dans la mesure où toutes ces caméras sont par nature subjectives !