Quel film ! Fort, intense et beau. Une claque délicieuse plongeant le spectateur dans un coma troublant et tétraplégique, l'empêchant de rouvrir les yeux pendant quelque temps. On tendrait volontier l'autre joue si le rêve pouvait se poursuivre. "2046" nous plonge dans un voyage introspectif, dans les fantasmes et les regrets d'un homme insatisfait qui a maladroitement laissé échappé le bonheur. Véritable Don Juan, cet homme se rappelle de ses conquêtes passées, des différentes femmes qui ont traversé sa vie, et il nous en fait part sans pudeur. La voix-off du personnage nous guide tout au long du film et nous éclaire sur ses sentiments. Eternel rêveur, il porte cependant un regard lucide sur sa vie passée et tire ses propres conclusions. Avec une dimension clairement autobiographique, le film nous plonge dans l'intimité et la consicence d'un homme qui ne cesse de regretter ses choix. Véritable mélodrame, le film est aussi un bel opéra. Les rideaux rouges en velours, chauds et passionnels, tapissent les murs de l'hotel. Des femmes défilent sur scène puis sortent après avoir fait leur prestation. Certaines disparaîssent par la suite, d'autres reviennent pour repartir ensuite. Une vie donc comme un théâtre, soutenu par des musiques fortes et émouvantes qui entretiennent cette ambiance si particulière, proche d'un opéra réel. Entre réalité et fiction, le spectateur perd peu à peu ses repères, on ne sait plus exactement où on est : dans un fantasme, un regret, une fiction? Peu importe, c'est tellement bon! Ajoutons à cela un casting de rêve : Gong Li, Ziyi Zhang et Tony Leung, choucou du réalisateur, qui fait une prestation remarquable. Des décors magnifiques et une bande son immersive, le film est aussi d'un esthétisme remarquable et plaisant. "2046" est une oeuvre puissante, prennante d'un bout à l'autre, une rêverie éveillée. Deux heures d'intensité, de passion, de nostalgie et d'amertume. Wong Kar-Wai signe ici un véritable bijoux. Du grand art ! A voir et à revoir.