J’ai eu la chance de voir « 8 rue de l’Humanité » en projection test, début 2021. Je suis sincère en parlant de chance, car c’était là l’occasion de retourner en salles, alors fermées au public depuis plusieurs mois… et qui allaient rester encore fermées un moment. Je n’ai pas apprécié le film (loin de là), d’autant plus qu’il était glauque de voir une œuvre sur le confinement entre deux confinements ! Parce que je ne pouvais pas évaluer la version test (et parce que je suis masochis…. ahem dédié à mes lecteurs), j’ai tout de même décidé d’aller au bout de cette version finale, sortie sur Netflix. Le film se déroule dans un immeuble parisien, et nous fait suivre la vie d’un groupe de voisins lors du premier confinement. Le souci de ce genre de chronique, c’est qu’il n’y a pas vraiment de fil rouge. Pour être solide, il faut dès lors s’appuyer sur des sous-intrigues intéressantes, ou des personnages forts. Et il n’y a rien de tout cela ici. Mise en scène téléfilmesque, peu ou pas d’action, et un scénario qui ne fait que reprendre des détails que tout le monde a vécu pendant le confinement (pénurie de masques, télétravail laborieux au départ, restrictions alimentaires, méconnaissance du covid, recherche de vaccins…). Et ce sans aucun effort d’écriture ou de réelle dérision. Enfin si, il y a bien quelques blagues, mais elles sont éculées (et oui, quand tout le monde a vécu la même chose, tout le monde en a déjà ri, dans son coin ou sur les réseaux sociaux !). Et la plupart des sujets ne sont qu’effleurés : par exemple le télétravail aurait pu donner lieu à des scènes cocasses, mais se retrouve limité à une seule mini-séquence. Sans compter des personnages vraiment pas attachants. Avec eux, le film tente de faire du pied à tous les publics (enfants, jeune adulte, parents…), sauf que la plupart sont de parfaites andouilles. Et il n’y a rien de drôle à voir des andouilles interagirent entre elles… surtout quand elles font un concours de cabotinage. A l’image de Danny Boon, insupportable en hypocondriaque caricatural, ou Yvan Attal, franchement gênant en savant fou à l’égo démesuré. Reste peut-être François Damiens qui donne le change. Voir tout ce joli monde pendant plus de deux heures sans histoire, c’est long, très long ! On se demande bien pourquoi au moins 30 minutes n’ont pas été coupées (les projections test, c’est censé servir à ça !). Le couple d’influenceurs ahuris, sans intérêt, aurait par exemple pu être évacué sans que cela ne nuise au « récit ». Alors dans tout cela, demeurent deux questions : pourquoi avoir fait ce film, et avec quels messages ? Sur le pourquoi, on pense à un opportunisme paresseux, surfant sur le fait que tout la monde a été confiné, et que tout le monde devrait donc connaître et rire facilement du sujet. Raté ! On pense aussi à une espèce de tentative de commémoration du confinement, avec son introduction reprenant les paroles grave d’Emmanuel Macron (oui oui, comme prévu ils nous sortent le « nous sommes en guerre » dès la première minute), jusqu’à un final tire-larme grotesque. Mais là encore c’est franchement raté, car réalisé beaucoup trop tôt et à la va-vite. Sur la question des messages, on est assez circonspect. Il faut respecter le confinement… mais faire quand même la fête avec ses voisins parce qu’ils sont sympas au fond ? Il faut respecter le travail des soignants… et écouter quand même les tarés car ils peuvent aussi résoudre des problèmes ? On remarque aussi l’aspect immédiatement daté du scénario, qui n’a pas anticipé le mouvement anti-vaccin en France, et aurait pu facilement l’intégrer… « 8 rue de l’Humanité » est donc un joli plantage paresseux, une comédie dramatique ni drôle ni dramatique, datée dès sa sortie.