Œuvre multi-récompensée à sa sortie, « Le Pianiste » est probablement le film le plus personnel de Roman Polanski, puisqu’il raconte la survie du pianiste juif Wladyslaw Szpilman dans le ghetto de Varsovie, au moment de la Shoah, histoire faisant évidemment écho à la propre survie du cinéaste et aux souffrances vécues dans le ghetto de Cracovie lorsqu’il était enfant. C’est la deuxième fois que je vois ce film et je dois avouer que, malgré l’engouement phénoménal que celui-ci a suscité à sa sortie, j’ai du mal à comprendre ce que le public et la presse peuvent lui trouver. Certes, c’est un film fort, et de nombreuses scènes sont d’ailleurs en ce sens très réussies et illustrent parfaitement l’horreur de la Shoah (déportation, meurtres froids et humiliations commises par les nazis), mais il n’empêche que dans sa globalité, le film accumule de nombreux défauts qui rendent le film peu réussi à mon sens. Dès le début, on est intrigué par la linéarité académique de l’histoire : Polanski appuie les différentes étapes de la mise au ban des juifs de la société polonaise, en multipliant le scènes inutiles et irréalistes, type, les personnages lisent le journal pour nous expliquer ce qu’il se passe, de l’obligation de porter l’étoile à la mise en place du ghetto de Varsovie. Tout cela alourdit complètement le récit et rend le propos très didactique, alors qu’il aurait été beaucoup plus pertinent, sur le plan émotionnel et narratif, d’illustrer ce type de mesures par des scènes moins explicatives et plus fines, qui nous auraient montrés la vraie souffrance causée par ces mesures au quotidien, ce que le film fait quelque fois par la suite tout de même. Ce n’est qu’un exemple, mais ce côté didactique dans la narration se retrouve tout au long du film, ce qui est un vrai problème puisque cela nous sort du récit, et nous donne plus l’impression de participer à un cours d’histoire qu’à une vraie immersion sur les douleurs subies à cette époque. Plus globalement, j’ai trouvé que le film avait un vrai défaut d’écriture : les personnages sont pour certains assez caricaturaux (le frère de Szpilman, les résistants, …) et d’autres manquent cruellement de profondeur, notamment le personnage principal, Szpilman, auquel j’ai trouvé qu’il était difficile de s’attacher, puisque nous ne faisons que le suivre dans ses déambulations, et que nous ne le voyons que rarement dans des situations véritablement émouvantes. Le film souffre aussi d’un manque de rythme qui provoque inévitablement une baisse d’attention et donc d’intérêt à certains passages du récit. Alors, bien sûr, ce n’est pas pour autant que le film est mauvais : les décors et les costumes sont réussis, les acteurs investis et l’histoire reste intéressante à suivre, mais on s’étonne tout de même qu’avec un tel sujet, Polanski n’ait au final pas réussi à créer un film plus fort émotionnellement. Au final, bien que l’on ne passe pas un moment désagréable en regardant « Le Pianiste », j’avoue avoir toujours trouvé le film très surestimé et je m’interroge sur la pluie de Césars que le film a récolté : César du meilleur réalisateur pour Polanski (dont je trouve la mise en scène assez plate sur ce film), César du meilleur acteur pour Adrien Brody (qui est bon certes, mais dont je trouve qu’il est exagéré de qualifier sa performance d’exceptionnelle) et même César de la meilleur musique pour Wojciech Kilar (immense compositeur, ce n’est pas la question) alors que la quasi-totalité des musiques du film sont de Chopin. Un film intéressant, donc, mais qui peine à dépasser la simple reconstitution pour s’élever au rang des grands films, puissants et instructifs, faits sur la Shoah comme « La Liste de Schindler » par exemple.