Déception énorme ! Après plusieurs éloges, toutes personnes confondues, du professeur d'histoire consciencieux à l'adolescent moyen, du " magistral " au " kiffant ", l'unanimité autour de ce film semblait complètement inaltérable. Aussi, quelle était pas ma honte de ne pas avoir vu ce film pour l'histoire, pour la mémoire, ce brulot contre la haine, cet hymne à la vie. Et tu parles d'un cinéphile, le novice pour qui Polanski, c'est le Ghost Writer... Néanmoins, un regard objectif sur Le Pianiste est peut être aussi la chance de le percevoir d'une tout autre manière.
Enfin bref, le film en lui même raconte l'histoire des juifs polonais pendant la période nazie. Immersion dans une famille juive décimée par la barbarie antisémite, on se retrouve très vite seul à seul avec l'un d'entre eux, celui qui a survécu pour son aisance au piano et pour ses connaissances. Autant dire que le film propose de survivre avec Adrian Brody, survivre à la bêtise, à l'ignorance, à la sauvagerie... Dommage que le film fasse lui même preuve de certaines de ces caractéristiques. Le sujet ne pouvant souffrir d'aucune critique de part sa nature de film-mémoire, Polanski ne force pas quant à la tenue du film. Si la reconstitution est entièrement satisfaisante, tout, ou presque, ce qui est le fait de la réalisation est raté : un rythme atroce, un découpage du temps à la hache. En voulant faire un travail propre, scolaire, Polanski peu à peu s'auto-mutile, rend son film incapable de toucher, d'enseigner. Le rythme saccadé, le scénario additif et incohérent enlève toute sa puissance à l'image... Seule prestation excellente d' Adrian Bordy sauve un film qui se veut in-condamnable. On pense de suite à l'autre film de ce genre, le très surestimé Le Vent se lève de l'ami Loach, pour moi ces deux films se répondent parfaitement, une symétrie de la pauvreté, qui ressemble à des films de commande, fait pour une occasion et non par pure envie de cinéma, envie de raconter avec toute la passion qu'il se doit des évènements tragiques, qui méritent mieux que ces traitements blasés, qui croient qu'en montrant deux trois images horribles par ci par là on fait forcément un bon film, une œuvre d'importance. Or le film témoigne du parfait contraire, lorsqu'il finit par s'enfoncer encore plus dans la niaiserie infinie : le pianiste juif qui porte un costume nazi à l'arrivée des russes, le soi-disant symbole d'une incompréhension qui se sent à milles bornes . Cependant je l'accorde, une réplique vient rendre un peu d'intelligence à cette scène d'académisme puant : " Pourquoi portes tu cet horrible costume" et la réponse : " J'ai froid ", si il n'a l'air de rien ce moment est paradoxalement le seul moment ou presque intelligent et émouvant du film. Encore, il y aurait eu une fin sur un plan de l'homme qui, se croyant sauvé, se fait tirer dessus en se rendant aurait bien montré l’absence de logique qui caractérise un conflit entre hommes, mais non, pour satisfaire les festivaliers, il fallait bien une happy end ridicule, étouffant le dernier soupçon de courage cinématographique qui portait le film. Comme le vent se lève, comme Amen, un film de plus sur l'histoire qui parle d'un temps qu'on préfèrerait oublier, mais ce qu'on préfèrerait oublier alors c'est la façon dont on rend hommage à ceux qui en ont vraiment souffert de cette barbarie, la dernière œuvre de bienfaisance de Polanski emportant tout l'espoir que j'avais en ce film : montrer l'ambivalence, refuser le manichéisme en montrant un gentil soldat nazie qui aide un juif, parce quand même il ne faut pas tous les mettre dans le même sac... On dirait que le scénario du film était davantage une liste de chose à faire, à montrer, à ne pas oublier, pour bien rendre compte de la situation, la vraie. La vérité c'est que derrière il n'y a plus aucune vérité artistique, et pire encore, cela finit par nuire à un propos plus qu'honorable... Pitoyable.