Teinté d’un académisme sans commune mesure, Roman Polanski réalise son film sur la Shoah, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, vu ses origines. En tous les cas, que son film ait reçu les récompenses qu’on lui connaît, dont la Palme d’or de Cannes 2002, il reste à des années lumières du chef d’œuvre intemporel et indescriptible de Spielberg, La liste de Schindler. Oui, Polanski, brillant, dans une certaine mesure, n’aura su dépasser le cadre télévisuel avec un film qui conjugue amour de la musique, atrocités nazies et survie en milieu pour le moins hostile. En cela, l’on pourra reprocher au metteur en scène de n’avoir pas su donner le véritable souffle dramatique qui dépasse le cadre du cinéma, tel que l’avait fait Spielberg, Neeson et Kinglsey, entre autres. Un film sur l’extermination des juifs par les allemands durant la seconde guerre est forcément sujet au respect d’autrui, ce qui s’avère salutaire pour un Polanski que j’aurais connu nettement plus inspirée, Chinatown, notamment, ou plus tard sur Ghost Writer.
Oui, le principal défaut du pianiste du plus célèbre des réalisateurs européens, du moins pour beaucoup, aura été son académisme. Mais aussi, et plus grave encore, pour la lecture du film, un ton, un aspect, un choix des couleurs qui renvoie le film dans les rangs des téléfilms, visuellement parlant, s’entend. Si le choix de Spielberg de filmer en noir et blanc fût la plus fantastique de ses idées, Polanski, lui, tombe dans le piège des images trop limpides, trop colorées. Le cinéaste ne parviendra pas, qui plus est, à rendre l’horreur des persécutions nazies aussi vives que son congénères américains, les meurtres, exécutions, n’ayant jamais de réels impacts psychologiques faute à un montage de télévision. Cela s’avère franchement très regrettable au vu de la très belle et touchante histoire que nous raconte l’ami Roman. Au passage, la haute définition n’aidant pas, les cadavres décomposés dont Polanski use pour alourdir ses décors sont tout simplement mal fichus, aux allures de décors de pièces de théâtre.
Malgré des défauts techniques, de goût, qui minimalisent l’impact d’un tel film, Polanski parvient tout de même à émouvoir ce qu’il faut pour garder le public vif et aux aguets. L’on suit, relativement captivé, les tribulations du pianiste, Adrien Brody, dans les dédales d’un Varsovie en ruine, dans les rues insalubres du ghetto juif, luttant pour sa survie, sa famille ayant déjà trépassé, dans l’ombre des caméras. C’est finalement ici d’un survival dont il s’agit, les situations à risque s’enchaînant toujours sur un rythme soutenu, d’appartement en appartement, de ruines et ruines, de rencontres en rencontres.
Finalement, et par-dessus-tous, le Pianiste ne serait pas ce film là sans la performance d’Adrien Brody, impliqué, amaigri et touchant. L’acteur, de figure hollywoodienne, se fond dans son rôle, peut-être le rôle de sa vie, à la manière d’un acteur qui sacrifie confort, orgueil et star system sur l’autel de la crédibilité de l’œuvre. Une grande performance pour un acteur de talents qui peine malheureusement à trouver ses marques depuis, la preuve en est avec son implication dans le costume du nouveau Schwarzy dans Predators, à des années lumières de ses véritables prétentions d’acteurs bouleversant. Le pianiste, donc, un film traitant d’un sujet fort mais mitigé du fait d’une technique trop timide, trop télégénique pour dépasser le fait qu’il ne s’agit là que d’un film. 12/20