Énième film sur la Shoah, Le Pianiste s'inspire grandement du récit autobiographique de Wladyslaw Szpilmann, écrit après la seconde guerre mondiale. Il se démarque ainsi de la concurrence par l'angle choisi par Roman Polanski. Ici, l'horreur se vit dans le ghetto de Varsovie, dans le quotidien de ces polonais qui ont été privés de leurs droits élémentaires et entassés dans une « ville dans la ville » cerclée de murs infranchissables et ravagée par la faim et les maladies. C'est donc dans la peau du talentueux pianiste Wladyslaw Spzilmann que chaque spectateur va vivre l'escalade de violence engendrée par les nazis, des exécutions sommaires jusqu'au départ des sinistres trains de marchandise, qui vont amener tant de monde vers leur funeste destin...
Le talent de musicien de Szpilmann lui permet d'être aidé par des partisans polonais, caché dans des appartements vides, et d'échapper à une mort certaine. C'est ce même talent qui va lui sauver la vie quand il tombe nez à nez avec un officier allemand dans un quartier en ruines de la capitale polonaise, alors qu'il erre pour trouver de quoi manger. Cela donnera lieu à une scène absolument extraordinaire, avec un Szpilmann squelettique, au bord du trépas, qui joue une ballade de Frédéric Chopin à la perfection, malgré la peur et la faim qui le tenaillent...
Le talent de Polanski, c'est de nous livrer avec beaucoup de retenue et de pudeur le récit d'une période de ténèbres, où l'horreur humaine atteint son paroxysme. Ici, pas de violons à chaque scène « choc », pas de fioritures inutiles, ni de surenchère. Mais le coup de maître, c'est d'avoir choisi Adrien Brody pour incarner l'incroyable Szpilmann. Ce rôle constitue encore aujourd'hui sa plus grande interprétation. Des frissons me parcourent l'échine quand je vois ses grands yeux où se lisent l'incompréhension et la détresse face à la barbarie humaine.... Pour satisfaire aux besoins du rôle, Brody n'hésite pas à perdre beaucoup de poids, et à apprendre le piano en un temps record, pour nous délivrer lui-même l'interprétation magique qui constitue le clou du film.
L'ensemble du casting, les costumes, et le scénario qui nous offre de multiples rebondissement, tout est parfait... et quant à cela s'ajoute la musique magnifique de Frédéric Chopin, il ne nous reste plus qu'à profiter du moment. Roman Polanski nous offre un très grand film, justement récompensé par de multiples prix partout dans le monde.