Comme d'autres cinéphiles j'avais entendu ou lu ce film être vanté : je reconnais avoir été surpris défavorablement assez rapidement à sa vision, me demandant même si je ne sortirais pas de la salle au bout d'une heure tant les élucubrations de son personnage principal m'ont vite indisposé. Je suis resté jusqu'au bout.
Je précise que je suis un ancien francilien (40 ans de région parisienne et appréciant toujours la belle Ile de France) et qu'il y a deux ans j'ai fait le choix de vivre dans un sublime coin de France montagneux parce que les montagnes me transportent de bonheur depuis toujours. OR, première flèche contre le film, je ne suis pas sûr que son personnage principal ne soit pas, hélas, un de ces représentants de l'hubris occidental : dans la fiction du film, c'est quasi un novice de l'alpinisme et il prend plusieurs fois des risques parce que ce monsieur a visiblement envie d'aller au bout de ses désirs en bonne caricature du Parisien de fraîche date qu'il est. Résultat, il est une première fois sauvé d'ennuis plus graves par les secouristes en montagne. Une autre fois, c'est un hélico qui y va. Tout cela sur fond de réchauffement climatique et de sa juste dénonciation par le cinéaste lui-même (la caméra montre ostensiblement le recul daté -au moyen des panneaux sur place- de la mer de glace). Bonjour le bilan carbone des hélicos !
Ainsi un des axes de lecture du film, "la planète est en danger du fait du caractère dispendieux en énergie de l'humanité" se voit contrecarré par le comportement du personnage joué par le réalisateur lui-même : je trouve cela dérangeant et fort de café ! (Je précise que cette lecture est suggérée, je n'écris pas que le film de T. Salvador a le mauvais goût de se commettre dans un quelconque message militant, ce n'est pas le cas).
Comme d'autres ici même, j'ai été aussi TRES gêné par un autre point éthique : le nom de deux marques de vêtement et de chaussures nettement visibles et plusieurs fois. Le fait de ne pas les avoir masqués est assimilable à de la publicité cachée. Ce n'est pas glorieux me semble-t-il !
Pour le reste et plus globalement, le film me paraît souffrir d'un sacré problème de visée artistique : ce n'est pas un documentaire et la qualité de l'image montagnarde n'emporte pas l'adhésion parce que le spectateur souffre de l'omniprésence du protagoniste. Pour le dire plus simplement de crainte de ne pas me faire comprendre, l'image me paraît substantiellement au-dessous d'un grand documentaire. Reste alors la fiction. Et là, il faut supporter le caractère mutique du personnage. Mutique à un point qui interroge : au merveilleux personnage féminin très bien joué par Louise Bourgoin (quelle grâce ! Elle me paraît la seule vraie réussite du film), il ne trouve rien d'autre à dire que "merci" et, dans la même scène, un mot de plus. Après un mot, il dit deux mots. Je ne dévoilerai rien et donc je tais les circonstances de la scène mais ça me pose un sacré problème là aussi.
Quant à l'invention de créatures fantastiques... On peut y voir tout un système métaphorique. Là aussi trop en dire irait à l'encontre de celles et ceux qui souhaiteraient voir le film. Je dirai seulement que l'évolution de cette série de scènes fantastiques m'a fait songer à certaine invention du génie David Cronenberg et que, malheureusement, le surgissement de ce rapprochement n'est pas à l'avantage de "La Montagne".
Je rejoins aussi un autre critique-cinéphile lu ici : que vient faire là Martine Chevallier (et d'ailleurs pourquoi le générique "oublie" (?!) de signaler qu'elle est sociétaire de la Comédie Française ?) ?
Enfin, la musique originale me paraît, elle aussi, bien au-dessous de ce que pourrait réclamer un accompagnement du spectateur vers une extase méditative dans laquelle cet opus n'est jamais parvenu à me plonger.
Ni les qualités d'un grand documentaire, des contradictions internes à des objectifs écologistes bien compris, un personnage central pour qui j'ai eu bien du mal à éprouver de la sympathie, le tout dans un film dont la durée, 112 minutes paraît forcée, le tout fait beaucoup.