À côté des « Huit Montagnes » en compétition se tient celle de Thomas Salvador (Vincent n'a pas d'écailles), qui n’a pas à rougir du fait que tous deux cherchent à atteindre le sommet. À la quinzaine, rien ne se gagne avec facilité et ce second long-métrage du réalisateur témoigne de toute l’aura singulière qui emmène le spectateur à tutoyer le vertige. Et quand bien même, il ne cache pas son sous-texte écologique, c’est pour mieux renforcer la foi du héros, qui grimpe pour se connaître, mais également pour appréhender la nature, qui pourrait lui offrir une ultime ascension spirituelle. La sublime photographie capitalise ainsi sur l’immensité des lieux, cristallisant la crise d’un personnage qui est loin d’avoir prouvé son existence.
Le cinéaste incarne d’ailleurs l’ingénieur parisien du récit, venu présenter le dernier projet robotique de son entreprise. Et dans une interminable présentation et démonstration, il se sent happé par un colosse au loin, qui semble l’observer. Mais qui a réellement appelé l’autre en premier pour se donner rendez-vous au cœur de ce paysage unique ? On ne le saura pas vraiment, car ce dernier semble prédestiné à la fuite, depuis son appartement et son confort de vie, qui ne lui manquent en rien. Il délaisse famille et boulot pour se consacrer à l’alpinisme sur un glacier, où il enchaîne les bivouacs et les allers-retours à une station, à proximité de sa zone d’exploration. Léa (Louise Bourgoin) l’y attend constamment, entre deux cafés et des promesses de retour. Ce n’est pas l’aspect le plus alléchant du programme, qui préfère se revitaliser au plus proche des cieux. Il est d’ailleurs possible d’évaluer à quelle altitude Pierre évolue, dans une autonomie silencieuse, en laissant donc de la place pour le spectateur, qui régule peu à peu son oxygène.
« La Montagne » est pourtant fragile et en perpétuelle mutation. Elle recherche une forme stable, qui se fond dans la matière. Quelque part, Pierre représente cette même structure, qui s’effrite avec le temps. Le liant qu’il sonde et qu’il trouve enfin est loin de satisfaire sa condition, mais lui donne une étincelle, qu’il lui a échappé depuis un moment. Il ne semble faire qu’un avec la nature, impassible, mais la vérité se situe à mi-parcours de cette lente ascension, où ce dernier renaît de ses cendres pour briller de mille feux. Une soif de désir l’anime ainsi, jusqu’à ce qu’il puisse revenir sur ses pas, en les affirmant comme un homme de glace, revenu d’un voyage à la fois introspectif et métaphysique.