Il est curieux que la localisation française du titre mette en avant une notion écologique qui, pour être effectivement présente dans le film, s’avère totalement secondaire. Je suppose qu’on a les obsessions qu’on mérite, mais en tout état de cause, le titre hispanique se montrait nettement plus révélateur: cette “distance de sécurité”, c’est celle qu’une mère peut mettre entre elle et son enfant, à la fois pour le laisser acquérir son indépendance et pouvoir intervenir en cas d’urgence vitale, et cela donne un film “de genre”, ou du moins, à l’extrême limite de ce qui peut être considéré comme du Genre, à la richesse insoupçonnée. Au départ, il s’agit de la rencontre fortuite entre deux femmes délaissées dans la cambrousse argentine, Amanda la citadine, fragile et en quête de reconnaissance et Carola, la campagnarde, solaire et déterminée...mais cette amitié bourgeonnante virera à une confrontation de plus en plus ouverte, lorsque sera acté le constat d’incompatibilité quant aux rapports qu’elles entretiennent avec leur progéniture respective, Amanda reportant sur sa fille l’amour et l’attention dont elle est privée, la seconde traitant avec méfiance un fils qu’elle ne considère plus comme le sien, depuis qu’elle a dû consentir à un mystérieux rituel pour le sauver d’un empoisonnement. Le surnaturel sert donc d’hypothèse de départ à cet excellent thriller psychologique mais il ne fait qu’affleurer en surface du propos, hypothèse ni confirmée ni rejetée sur les causes de la relation distendue entre les deux mères, la première jugeant que la seconde fabule pour minimiser un déficit d’attention maternelle. Restant dans un appréciable entre-deux, ne poussant pas le spectateur à privilégier une explication plutôt qu’un autre, tout en se montrant généreux en indices et déductions contradictoires, ‘Toxique” s’inscrit pleinement dans le fameux Réalisme magique sud-américain, dans lequel le fantastique ne constitue en aucun cas une rupture nette avec la réalité. Même s’il souffre parfois d’une approche un peu trop littétaire, notamment dans son recours abusif à une voix off qui relate, synthétise et explicite les différentes sections du film, le film brille avant tout par ses remarquables portraits féminins, tout en nuances et subtilités, ce qui l’éloigne en fin de compte assez nettement des terres du cinéma d’épouvante et ne le réduit jamais à la simple variation latino sur les histoires de changelings qu’on pourrait y déceler de prime abord..